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Bruscope, une revue pour comprendre les enjeux sociaux bruxellois

mer, 11/06/2025 - 13:00
Interview avec Naomé Ide

Photo : Chloé Thôme

Créée pour offrir un espace de réflexion et de sensibilisation sur les questions sociales, la revue Bruscope explore des thématiques telles que l’inclusion sociale, la crise du logement et l’emploi. À la tête de cette initiative, Naomé Ide, mène ce projet avec passion et détermination. Dans cette interview, elle revient sur les défis liés à la création d’un média indépendant, sur les choix éditoriaux de Bruscope et sur les enjeux d’une presse engagée.

Mammouth : Bonjour Naomé, pour les lecteurs qui ne te connaissent pas et qui n’ont pas encore entendu parler de Bruscope, peux-tu te présenter et présenter le projet que tu as mis en place ?

Naomé Ide : Alors du coup, moi c’est Naomé Ide. Je me suis spécialisée en économie, j’étais à la Solvay Brussels School. Dès le départ, je savais que je voulais faire de la recherche. C’était vraiment le but, je voulais faire un doctorat. J’ai fait un an de recherche dans un centre de recherche d’économie appliquée et en fait j’ai très vite réalisé que personne ne lisait les papiers de recherche. Pour moi qui faisais de la recherche pour contribuer à changer le monde, ça a été une grosse désillusion et j’avais vraiment à cœur de faire des choses utiles en fait. J’ai donc quitté la recherche pour faire de la vulgarisation, pour essayer de combler le trou qu’il y avait entre les chercheurs et les citoyens. Et donc voilà, c’est comme ça qu’est né Bruscope.

Du coup qu’est-ce que c’est que Bruscope ? C’est un média de vulgarisation. On se concentre sur les problématiques socio-économiques bruxelloises. L’objectif, c’est vraiment de sensibiliser les Bruxellois aux enjeux socio-économiques de leur ville et surtout mettre en lumière les solutions des chercheurs sur ces problématiques-là, parce qu’en réalité, les solutions sont à portée de main. Et donc il ne reste plus qu’à les mettre en œuvre mais cela demande une décision politique et donc il faut que les citoyens en aient conscience pour pouvoir voter de façon consciente et pour pouvoir renforcer le pouvoir démocratique.

La vulgarisation scientifique peut poser certains dilemmes de neutralité. Est-ce que Bruscope est politisé ? Et si oui, est-ce que cela pose un problème de légitimité au média ?

Alors, c’est sûr. On essaye d’être le plus neutre possible, mais je pense que la neutralité n’existe pas, même dans la recherche. Et donc, il est assez évident qu’on adopte un point de vue qui est féministe, écologiste, progressiste. Maintenant, on va généralement traiter de problématiques qui sont connues dans les milieux d’experts depuis déjà des dizaines d’années et dont les solutions sont aussi connues dans ces milieux-là spécialisés mais qui ont du mal à sortir et à être visibilisé aux yeux du grand public et donc, moi je ne sers que de pont entre les experts et les citoyens. Là où Bruscope va peut-être un peu perdre de sa neutralité, ça va être dans le choix des thèmes qu’on va aborder.

Je pense que la neutralité n’existe pas, même dans la recherche.

Comment est-ce qu’on écrit une revue sur ces thématiques quand on n’est pas spécialement professionnel dans ces domaines ?

C’est une très bonne question. Moi, pour l’instant, je suis la principale rédactrice des revues chez Bruscope et je ne me considère absolument pas comme une experte. Et je me considère comme une experte d’aucun des sujets que je vais traiter, mais je vais, comme une journaliste, me documenter au maximum sur ces sujets-là, et me concentrer sur les papiers de recherche. Ça va être un peu la différence avec les journalistes qui vont plutôt faire de l’investigation plus qualitative sur le terrain, moi, je vais vraiment me plonger dans la documentation socio-économique, et essayer de faire le relais de façon plus vulgarisée sur des papiers de recherche qui sont assez indigestes. Cependant, je ne pourrais jamais me considérer comme une experte de ces sujets-là donc il y aura évidemment des pincettes à prendre parce que ça reste de la vulgarisation et qu’on essaye de toucher le public le plus cosmopolite qui soit.

La première revue parlait de l’état du logement locatif à Bruxelles et la deuxième revue traite de l’inclusion des femmes sur le marché de l’emploi. Comment sont décidés les sujets des revues en sachant évidemment qu’ils doivent toucher un grand nombre de personnes à Bruxelles ?

Nous chez Bruscope, on va traiter d’un sujet périodiquement. Le premier a été le logement, la deuxième revue est sur l’inclusion des femmes sur le marché de l’emploi. Alors, comment est-ce qu’on décide du sujet ? D’abord on en parle au sein de l’équipe et donc ça se fait sous un consensus, on se met d’accord sur le sujet. Tout ça dépend évidemment des opportunités, soit de financement, soit des expertises de chacun, soit de l’actualité ou des choses comme ça. Cela étant, le premier sujet qui a été l’accès aux logements abordables à Bruxelles, ça a été un peu une évidence pour nous, parce que chaque année, le poids du loyer est de plus en plus grand par rapport à notre revenu. Tout ça pour dire que les premières problématiques qu’on va traiter chez Bruscope, ça va être assez évident. Disons qu’il y a logement, emploi, mobilité, pouvoir d’achat. Et puis je pense que ce sera après où il faudra un peu plus voir notre public cible, qu’est-ce qui l’intéresse, voir comment l’intégrer à la réflexion pour voir quel sujet il voudrait qu’on traite, etc.

La création d’un nouveau média à Bruxelles peut être une tâche ardue. Quels sont les plus grands défis auxquels tu dois faire face ? Y a-t-il une grande concurrence dans le secteur des médias indépendants ?

Le plus grand défi auquel on doit faire face, c’est évidemment le financement. Nous, on a vraiment à cœur de rester un média indépendant et donc de ne pas contracter de crédit. On souhaiterait devenir un média participatif et donc d’être auto-financé par la communauté. Néanmoins ça demande d’abord d’établir une certaine crédibilité aux yeux du public, ce qu’on est en train d’essayer de faire, donc on fait beaucoup de boulot bénévole, que ce soit pour la rédaction, la promotion, etc. On essaie d’obtenir quelques financements publics, quelques subventions, mais ça viendra aussi avec le temps. Maintenant pour la question de la concurrence, je pense que comme Bruscope est une association, une ASBL et qu’on fait partie de l’économie sociale et solidaire comme la plupart des médias indépendants, on n’est pas tellement dans une optique de compétition et de concurrence mais plutôt de collaboration. Je ne suis pas sûre que les autres médias indépendants bruxellois nous connaissent déjà mais je pense que ce sera plus du donnant-donnant que de se tirer dans les pattes. Je pense qu’il y a de la place pour tout le monde.

La première revue a également été mise à disposition en ligne. Pourquoi avoir fait ce choix et est-ce que ça le restera ?

Effectivement, ça nous tenait à cœur que tout ce qu’on produise soit le plus accessible possible, et même gratuitement. Maintenant, il y a évidemment des coûts de fonctionnement, il y a des coûts fixes dont on ne peut pas échapper. On a donc décidé de mettre la deuxième revue payante, mais avec deux prix : c’est 15 ou 25 euros. L’objectif, c’est de pouvoir payer ces coûts fixes grâce au financement de la revue. Maintenant, pour être tout à fait honnête, notre business model, il est encore en évolution. On ne sait pas vraiment quelle activité commerciale on va prendre, qu’est-ce qui sera gratuit ou pas. On va continuer à faire de la vulgarisation sur les réseaux sociaux. On va aussi faire le tour des librairies pour voir si on ne peut pas déposer quelques exemplaires dans ces librairies-là. Et sinon, on a déjà un point de relais au Wolf, la maison de la littérature jeunesse. N’hésitez pas à passer, vous pourrez y acheter notre livre !

Je pense qu’il y a de la place pour tout le monde.

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Chaque cause en son temps

jeu, 05/06/2025 - 11:19
A Charleroi, les droits des personnes LGBTQIA+ progressent… en théorie

En cinquante ans, le pays noir a-t-il pris des couleurs ? Maison Arc-en-Ciel, Fête de l’Amour et même passage pour piétons Arc-en-Ciel… Depuis 2023, la ville a même inscrit la lutte contre les discriminations LGBTQIA+ dans ses priorités. Beaucoup d’initiatives sur le papier, un léger décalage avec la réalité.

1975, Tamines (18 km de Charleroi). Jean a 26 ans. Il ne va pas passer par quatre chemins, il aime les hommes. Il le sait. Depuis toujours. Ses parents aussi, il ne leur a jamais caché. Mais eux espéraient que « ça passe » un jour. Jean savait bien que non. Quand il a eu 18 ans, il leur a confirmé qu’il était homosexuel. « Je ne te mets pas à la porte mais si tu pars, ne viens jamais pleurer pour qu’on te reprenne », avait averti son père. Une table, deux chaises. C’est tout ce que le garçon avait pu se permettre quand il a quitté la maison familiale. Sa mère n’a pas voulu couper le cordon, elle récupère son linge et fait ses lessives en cachette. La ville entière a le nez dans les mines. La Bataille du charbon, lancée par le nouveau Premier ministre Achille Van Acker, fait régner la culture ouvrière et son virilisme patent. Et la médecine le considère comme un malade mental. Mais Jean n’est pas malheureux. Il n’a pas d’idées noires, n’a pas sombré dans l’alcool. Son homosexualité, c’est sa liberté.

2025, Charleroi. Adhen a 25 ans. Cheveux courts bruns, deux mèches encerclent le haut de son visage. Un rire un peu pudique chaque fois qu’il parle de lui. Adhen est né dans un corps de femme. Il y a quatre ans, il s’est rendu compte qu’il était un homme. Dans ce corps de femme, il est d’abord sortie avec une fille. Dans les couloirs du secondaire, il a d’abord connu l’homophobie. C’était sa première histoire d’amour. Il avait 16 ans. « Il y avait des rumeurs comme quoi on aurait fait des choses dans les couloirs ». L’époque contemporaine a du fil à retordre. « Depuis début 2025, il y a vraiment des retours affolants. C’est ok d’être homophobe et on le dit fièrement. Les structures jeunesse, le corps enseignant, ne savent pas quoi faire », s’inquiète Céline Claassen, chargée du GrIS, un projet de sensibilisation aux questions LGBT dans les écoles.

Depuis 2022, la transidentité n’est plus considérée comme une maladie mentale par l’Organisation mondiale de la santé. Mais la montée des extrêmes droites aux États-Unis et en Europe a ouvert les vannes d’un déferlement de haine. Et les jeunes ne sont pas épargnés. Charlie, garçon transgenre en sixième secondaire, évite les toilettes de son école. « Sinon je me fais agresser », déplore-t-il. Dans un de ses travaux publié en 2019, la sociologue du droit Isabelle Carles écrivait : « Les hommes gays se sentent tolérés et acceptés par la population de Charleroi tant qu’ils développent une image masculine que la population peut interpréter comme une expression hétérosexuelle d’hégémonie masculine. Ce qui exclut d’emblée les autres membres de la communauté LGBT, à savoir les lesbiennes et les personnes transgenres ».

Adhen a ensuite connu la vie d’hétérosexuel, quand il s’est mis en couple avec des hommes, toujours dans ce corps d’apparence féminine. Un plus âgé, avec qui c’était difficile d’être soi. Son deuxième mec était plus sain, mais la première relation avait laissé de vieux réflexes. « Je faisais beaucoup en fonction des critères de l’autre ». Il sentait bien que quelque chose clochait, mais ne trouvait pas d’espace pour y penser. « C’est quand je me suis retrouvé célibataire que je me suis rendu compte que j’étais transgenre », se souvient-il. Personne autour de lui ne semblait vivre la même situation. Tout le monde se retrouvait dans le moule.

Jusqu’à arriver dans le supérieur. « Et encore ». Une amie bisexuelle et non-binaire, c’est tout ce que la haute école de Montignies-sur-Sambre avait à lui offrir. Plutôt introverti, il avait besoin de rencontrer des gens de la communauté. « On vit les mêmes expériences donc c’est plus simple ». C’est là qu’il découvre le CHECK, le cercle de jeunes LGBTQIA+ de Charleroi hébergé par la Maison Arc-en-ciel (MAC). Emma, une de ses amies du cercle, renchérie : « sans la MAC, ce serait le désert de connaissance ». La Maison arc-en ciel, un havre au détour de la rue du Pont Neuf. C’est là qu’Adhen a formé sa bande d’amis. Au début, il les retrouvait le mercredi, à 18 heures. Il se rendait au pied de l’immeuble et sonnait sur l’interrupteur du bas. Ne pas se tromper, on ne voudrait pas déranger les voisins. On leur dit bonjour quand on les croise en bas, de retour du Quick ou du Syrien. Deux bonnes adresses et une bonne excuse pour filer de ce local qui commençait à être trop rempli. Maintenant le rendez-vous est un peu plus tôt, en dehors de la MAC. Adhen rejoint Emma et Charlie, arrivés en même temps que lui au cercle. Tous les trois le disent, ils ne sont pas les Carolos les plus fêtards. Emma aimerait tout de même aller plus souvent au Rockerill, ancienne friche industrielle réhabilitée en salle de concert. « La musique est trop cool mais il faut pouvoir y aller ». A Marchienne-au-Pont, le dernier métro part à 20h, même le weekend. Alors ils trainent, se baladent en ville, dans des endroits dont ceux qui ne roulent pas sur l’or peuvent profiter. Parfois sur les quais, par où passe le RAVeL qui longe la Sambre jusqu’à Namur ou la frontière française. Cette fois-ci, au parc du centre. Le trio dore au soleil avant que l’heure de la permanence ne sonne. 17h55, il faut filer. Emma embarque sa canette de Dr Pepper goût noix de coco.

1975. 20h, Jean arrive au parc. Pas celui de Charleroi. A La Louvière, il y a plus de monde. Quand il n’est pas dans les bars avec sa bande, il valse dans les parcs, pour aller draguer en toute discrétion. Vêtements colorés style hippie, le jeune homme n’a pas succombé aux cheveux longs. Au bar, les âges se mélangent. Il côtoie les plus âgés, récolte de précieux conseils de vie qu’il ne recevra plus de ses parents. Trouver un travail, mettre de l’argent de côté pour plus tard. Tu verras, tu seras content de pouvoir t’acheter une maison et partir en vacances avec ton mec. La drague est facile. Un regard et chacun comprend tout de suite le désir qu’il cherche pour l’autre.

2025, Charleroi, salle à manger de Jean. Accoudé sur sa nappe rouge en toile ciré, le septuagénaire feuillette le programme de la ville. Les Big Fights, Charleroi LGBTQIA+ Friendly City. « Des spectacles, du théâtre, ça j’irai tiens ». Maintenant, dans Charleroi, il est Petit Jean. « Parce que j’aide les autres, comme dans Robin des bois », s’amuse-t-il. Trois centimètres de cheveux blanchis par l’âge et un t-shirt jaune poussin. Un adepte des lieux culturels comme l’Eden et le cinéma comme il l’a toujours été. Depuis la mort de son compagnon, il y a deux ans, pas de nouvelle aventure. Où sont les vieux gays de Charleroi ? « Ou ils sont tous cachés, ou ils sont tous introvertis », plaisante Jean, lassé de chercher à comprendre. Ceux qui habitaient encore ici dans sa jeunesse seraient partis. Ou peut-être ne sont-ils jamais sortis du placard.

Quand il a annoncé à sa mère qu’il était transgenre, Adhen aurait voulu qu’elle lui pose des questions. Elle a choisi de ne rien dire. Pas de rejet, pas de soutien non plus. Une réaction tiède. « Je voulais aller à la MAC avec elle pour qu’elle puisse poser des questions ». Mais les deux assistantes sociales étaient déjà en arrêt maladie depuis plusieurs mois. Dommage.

Depuis le début de l’année, l’association ne répondait ni aux mails, ni aux coups de fils, ni aux messages sur les réseaux sociaux. Même les permanences d’accueil n’étaient pas assurées. Les budgets de la Région wallonne ne permettent de ne financer que deux postes. Pourtant, l’asbl est l’unique interlocuteur de confiance pour les Carolos de la communauté. « La Maison Arc-en-ciel m’avait conseillé un bon psychiatre », témoigne Adhen aux jeunes du CHECK, alors qu’Alexia s’insurge : « On ne m’a jamais conseillé un bon médecin à Charleroi ». Pour ses soins médicaux, la jeune femme fait le déplacement jusqu’à Bruxelles. Pourtant, la question LGBTQIA+ n’est pas absente de la politique de Charleroi. Depuis 2023, la lutte contre les discriminations homophobes et transphobes fait partie des cinq grands combats de la ville. En 2024, le Grand hôpital de Charleroi s’engage à trouver des professionnels de la santé formés aux questions de transidentité. Depuis des services ont été mis en place. Encore faut-il le savoir. Si la MAC est fermée, à qui demander ? « Il y a sûrement des gens qui se posent des questions et qui ne trouvent pas les réponses parce qu’elles ne sont pas facilement trouvables sur internet. C’est le problème d’être en Belgique, quand on cherche des informations, on tombe sur des associations en France », explique Emma, bénéficiaire de la MAC Charleroi.

Depuis l’été 2023, le Boys trône fièrement sur la place de la Digue. Un drapeau arc-en-ciel sur la devanture. Les gérants Bruno et Johan n’ont jamais eu de problème. « Dans notre clientèle, il y a beaucoup de gens qui ne sortaient qu’à Bruxelles à cause du sentiment d’insécurité », analyse Bruno. Le lieu est ouvert à tout le monde « pas seulement aux gays », se félicite le couple. Peut-être une des raisons qui freine les jeunes du CHECK à venir en terrasse.

Sans forcément arborer une devanture multicolore, de plus en plus de bars ont la réputation d’être accueillants et safe pour les personnes de la communauté. « Charleroi a sa mauvaise réputation mais ça change petit à petit avec de nouveaux lieux culturels », estime Alexandre, employé du café le Chien Vert. « Il y a vingt ans, ce n’était pas du tout comme ça », ajoute le Carolo.

Si Adhen était né il y a cinquante ans, peut-être Jean et lui se seraient-ils rencontrés. Peut-être que Jean ne serait jamais allé à ce vernissage. Alors il ne se serait pas retrouvé devant cette toile, un verre de vin à la main, à discuter avec Jean-Pierre qui partagera 40 ans de sa vie. Il n’aurait probablement pas connu sa mère chez qui il a souvent évité de rester manger pour « ne pas éveiller les soupçons » avant que tous les deux apprennent qu’elle « l’a toujours su ». Mais peut-être que cinquante ans en arrière, Adhen n’aurait pas trouvé d’amis qui vivent la même chose que lui. Qui comprennent dans leur chair ce qu’il traverse, depuis qu’il a franchi la vingtaine. Pourtant, difficile de dire si sa vie aurait été moins facile. 2024 et son nombre d’élections record ont fait émerger de multiples crises politiques. Si la Belgique est pour le moment épargnée, de plus en plus de pays d’Europe voient les droits des personnes LGBTQIA+ directement menacés. Jean aurait voulu être artiste, mais tout le monde partait à l’usine. Les années n’ont pas effacé son grain de folie. A l’arrière de son crâne, il a tatoué son numéro de registre national, « pour que si on me retrouve, on sache qui je suis ».

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Regarde Charleroi dans les yeux

ven, 30/05/2025 - 09:40
Cinq semaines d’atelier pour observer les nuances de gris du pays noir

Photo: Elise Houben

Il existe des journalistes du savoir et des journalistes du regard. « Les premiers sont ceux qui savent sans aller voir sur le terrain, les seconds ne savent pas donc ils vont voir sur le terrain, parce que le terrain ne ment jamais », observe le journaliste français Sorj Chalandon.

L’atelier de photojournalisme donné par Olivier Bailly, Colin Delfosse et Laurent Poma s’inscrit résolument dans la tradition du terrain. Pendant cinq semaines, sous leur conduite, 14 étudiant·es en journalisme se sont plongés dans la réalité de Charleroi.

Pendant cinq semaines, ils et elles ont questionné la présence absente de l’Unif, la loterie du logement social, la réinsertion par la formation. Écouté les mères seules, les artistes du terroir, les femmes qui nettoient et se noient, les alcooliques abstinents. Rencontré les chiens et les hommes, les Ultras interdits, les jeunes et leur art, des carolos trans’ et homos.

Cinq semaines, c’est infime dans le temps d’une ville. A l’échelle de la production journalistique, c’est beaucoup. Retrouvez leurs travaux ci-dessous.

Debout, toujours Pas foule au Campus de Charleroi Le futur c’était mieux avant Seule en mère Ensuite, on verra bien Les Storm Ultras, illuminés dans la pénombre du Pays Noir Derrière la porte 24 heures à la fois Mur après mur

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Pas foule au Campus de Charleroi

ven, 30/05/2025 - 09:16

L’annonce réjouit : 10.000 étudiants à Charleroi ! Le campus universitaire carolo va incarner un nouveau départ. Pour les étudiants, pour son quartier : la Ville Haute. Ce projet porte l’espoir de changements. Il attirera les jeunes de la région, revitalisera tout un environnement et transformera Charleroi en ville universitaire. Mais un an et demi après la première rentrée académique en 2023, les commerces se demandes où sont ces étudiants qu’on leur avait promis.

Embouteillages en fin d’après-midi sur Bruxelles. Depuis cinq minutes, personne n’a bougé. Faut dire que les deux serveurs sont débordés. Trois cocktails à faire pour l’un, changer le fût pour l’autre. Sur la terrasse, les différentes peaux transpirantes discutent et rigolent, on n’entend plus les bus. À l’ULB, les cours sont terminés depuis une heure. Les étudiants sont libres d’aller boire un verre en terrasse, dans un parc ou un kot. Le rond point du cimetière d’Ixelles, la plaine du K et le bois de la Cambre sont bondés. Il n’est que 18h mais les estomacs sont vides, une file s’étend jusqu’à l’extérieur du Quick, et ce n’est pas parce que l’une des bornes automatiques est cassée. À 60km de là, c’est la même chanson. Une cinquantaine d’étudiants quittent le campus Zénobe Gramme de Charleroi. Mais la mélodie est différente, ils passent devant les bars mais n’y entrent pas. En vingt minutes, le campus et son quartier sont vides, un peu plus vides. Au moins, il n’y a pas d’embouteillages. Au Métro, café de l’avenue du Waterloo, Beka sert ses deux clients. Ils jouent aux machines à sous. Deux croque-monsieur et deux bières font connaissance avec le paquet de cigarettes sur leur table. De l’autre côté de la vitre, il y a de l’espace pour une terrasse. Mais les tables et chaises sont dans la cave, ou dans un couloir, on ne sait plus trop. À la place, rien. Juste cet homme, plus de poils sous le menton que sur le crâne, qui promène son chien. « Une université à Charleroi ? J’ai l’impression qu’elle n’existe pas, je ne vois jamais d’étudiants ». 

Pourtant, elle est à deux rues : le Zénobe Gramme, ancien musée de 18.392 m2 bâti en 1903 pour l’Exposition Internationale de Charleroi, rénové en université. En face, il y a le bâtiment Maçonnerie où se trouvent classes, auditoires, zones d’étude et le BPS22, Musée d’art de la Province de Hainaut. Au total : 5 auditoires, 55 salles de cours, 450 places de laboratoire, 280 places de labo informatique et 120 bureaux. À cela s’ajoutent Solvay et l’université du travail Paul Pastur. Il est désormais possible d’étudier l’ingénierie, l’informatique, les sciences, l’architecture transmédia, l’urbanisme et bien d’autres. Rendre Charleroi universitaire, c’était l’envie de l’ancien bourgmestre Paul Magnette (PS). Selon Maxime Mori (PS), attaché de cabinet de l’actuel bourgmestre Thomas Dermine (PS), Magnette a voulu donner une justice historique à Charleroi, ville la plus peuplée de Wallonie, qui n’avait toujours pas son université. Ne pas en avoir provoquait un phénomène de désertification. « À Louvain-La-Neuve, il y a plus d’étudiants arrivants que d’habitants. Nous c’est l’inverse, les jeunes partent », explique Mori. Dès 2014, le Charleroi District Créatif, projet de 140 millions d’euros visant à développer la ville, est mis en place. Charleroi en investit 55 dans son nouveau campus à l’aide de fonds FEDER (Fonds  Européen de Développement Régional) et de fonds du Gouvernement wallon. Ces derniers ont financé respectivement 40 et 50% du projet. Les 10% restants ont été apportés par la Ville et les différentes universités. L’ULB (Université Libre de Bruxelles) et l’UMONS (Université de Mons) sont les premiers à collaborer au projet de Magnette, ancien professeur à l’ULB. Quant à l’UCL (Université Catholique de Louvain), elle refuse d’y prendre part jusqu’en 2020, lorsqu’elle achète l’hôpital Notre-Dame pour y poser ses valises. Le campus a donc deux principaux objectifs : attirer les carolos et redynamiser son quartier. 

Beaucoup d’espoir, peu d’étudiants

Pas de zèbre universitaire à l’horizon dans le bas de l’avenue de Waterloo, artère reliant le sud au nord du quartier. Un Pizza Hut propose un menu étudiant pour moins de 7 euros. Bien essayé, mais la file se tient devant le comptoir du snack Waterloo. « Nous, évidemment qu’on est contents, on vend beaucoup plus de sandwichs à midi depuis l’ouverture du campus », s’enthousiasme la serveuse le pot de mayonnaise à la main. Il reste deux personnes à servir, pas de perte de temps. Les rues perpendiculaires jouent au roi du silence. Tout le monde est resté chez soi aujourd’hui. Ou alors, ils sont vers la Ville Basse, pour faire les magasins. Ceux du quartier disparaissent. De la poussière et des meubles abandonnés sont tout ce qu’on aperçoit aux vitrines. Rien à vendre, mais les lieux sont à acheter. « Kot à louer », le panneau de l’agence immobilière ne tient plus qu’à une vis. Une classe sort du Zénobe Gramme. « On va au Burger King de Rive Gauche ? », l’autre acquiesce et les voilà partis vers le centre commercial de la Ville Basse. Au Métro, Beka regarde un afflux descendant l’avenue de Waterloo. Personne ne rentre. « Je ne suis pas étonnée qu’ils ne viennent pas. C’est pas safe ici. Ils auraient dû laver le quartier avant d’y mettre les étudiants ». Plusieurs « je ne suis pas raciste mais » plus loin, elle pointera du doigt la porte. « J’ai dû y mettre une serrure en plus. Maintenant, il faut sonner pour rentrer dans le bar. Sinon, les dealers rentrent et vendent leur drogue ici. » Elle se rend derrière le comptoir. « J’ai une clef à molette et un grand couteau à fromage. Un jour un mec est rentré et a mis son canif devant moi. J’ai sorti mon couteau, il a vite bougé. Je me défends. Les étudiants ne le savent pas, c’est pour ça qu’ils n’habitent pas ici ». Pourtant, ils sont plusieurs à avoir été intéressés par l’annonce des 10.000 étudiants. En 2023, Paul Magnette indiquait que 350 permis d’urbanisme avaient été délivrés. Mais Marie, en première année d’études en sciences humaines, grimace à l’idée d’habiter à Charleroi. « J’habite à Couvin, mais je préfère faire l’aller-retour tous les jours plutôt que de koter ici. C’est trop dangereux ». C’est vrai que Charleroi a une image de ville moche, sale et dangereuse. En 2008, le journal néerlandais De Volkskrant avait même élu le Pays noir « la ville la plus moche du monde ». Le Telegraph la qualifiait de « ville la plus déprimante d’Europe ». Cette image négative, la Ville en a conscience et travaille pour la redorer. Paolo Ruaro estime que cette image n’est pas la réalité : « Je comprends qu’un étudiant ne veuille pas venir à Charleroi. L’image de la ville doit être repensée. Mais la ville se développe et elle n’est pas plus dangereuse que Bruxelles par exemple ». Pour Beka, changer l’image ne sert à rien : « Charleroi c’est comme une femme de 90 ans qui fait de la chirurgie. T’as l’impression qu’elle est jeune mais à l’intérieur elle est bientôt morte». Pour elle, c’est trop tard.

Beka a quand même eu de l’espoir à l’annonce de la construction du nouveau campus. « C’est pour ça qu’on est encore ici d’ailleurs ». Elle évoque une réunion entre les commerçants et Paul Magnette. Selon Fabrizio Padovan, président de Shop In Charleroi, l’union des commerçants de la ville, cette réunion n’a servi à rien. « Les travaux avaient déjà commencé, on n’a pas eu notre mot à dire ». Le Métro s’est préparé à accueillir les étudiants. « On voulait mettre une belle terrasse, on a les tables, les chaises. On n’attendait que ça en sortant des travaux : avoir des tables d’étudiants et leur faire des offres de mètres de bières ». Au final, rien. Beka se retrouve avec ses habitués, qui se font de moins en moins nombreux.

« Ils nous ont clairement vendu du rêve ». Les réunions entre la Ville et les commerçants n’auraient eu pour seul but de rassurer pour se faire réélire. « Ils nous disent qu’il y allait y avoir 10 000 étudiants, c’est génial. Bien sûr qu’on est contents. Puis, deux semaines avant les élections, ils nous mettent encore plus de patrouilles de police pour montrer que le quartier sera plus sain. 2 semaines après les élections : plus rien. Deux ans après la première rentrée universitaire : personne » raconte Beka. 

En 2020, la Ville annonçait que l’objectif était d’accueillir entre 12 000 et 15 000 étudiants à terme. En 2023, Magnette revoit les chiffres en baisse et en espère 10 000. Peut-être qu’ils se sont vus trop beaux. Maxime Mori estime que l’incompréhension est due aux différentes envies. Celle de la Ville est de rendre Charleroi universitaire, alors que les commerçants ont avant tout un objectif économique. Par contre, Mori avoue que « la communication n’a pas été bien faite ». Il demande dans un premier temps de re-baliser la vie universitaire carolos. En effet, il y a d’autres bâtiments consacrés aux études supérieures, à Montagnes-sur-Sambre et Marcinelle. Les étudiants de ces bâtiments vont être transférés progressivement vers le campus de la Ville Haute. Ça, la Ville n’en a pas parlé, ou beaucoup moins. Elle a promis 10.000 étudiants sur le nouveau campus tout en omettant que ce chiffre allait être atteint grâce au rassemblement de tous les étudiants de la ville dans un seul endroit. « En fait, l’information qu’il manque aujourd’hui, c’est que le campus n’est pas du tout achevé. On n’est vraiment que dans les prémices ». Il ajoute que la principale difficulté est de mettre tous les différents acteurs d’accord avant de communiquer. « Avant la création de l’ARES, qui coordonne l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles, et du décret paysage, aucun acteur ne se parlait. Les hautes écoles ne parlaient pas aux universités qui elles-mêmes ne se parlaient pas en dehors de leurs piliers historiques ». Avant de communiquer, il faut donc mettre tout le monde d’accord, que ce soit l’ULB, l’UMONS ou la Haute Ecole du Hainaut. La cohabitation, et donc la communication commune, ne fait que commencer. Mori est néanmoins optimiste pour le futur. 

Beka non. Pour elle, si le quartier n’est pas assaini aujourd’hui, il sera trop tard pour agir demain. Au contraire, Paolo Ruaro explique que voir les avantages d’un aménagement de territoire prend du temps et, qu’en général, un masterplan peut prendre 30 ans avant d’atteindre ses objectifs. L’urbaniste donne 8 ans pour que le campus remplisse les siens. « Ce n’est pas comme quand t’achètes une voiture que tu peux conduire le jour même ». Maxime Mori se projette pour 2026-2027, lorsque les 6 mini-campus de Charleroi se rejoindront dans la Ville Haute. « Mécaniquement, il y aura plus d’étudiants. On va dire qu’il y en a pour l’instant 4000 dans le centre. Il y en a environ 3400 sur le campus de Montigny-sur-Sambre. Quand ils viendront, on aura déjà plus cet effet de masse. Ce sera aux différents acteurs de créer une identité, un lieu de vie, de fêtes. Et la densification créera un effet d’attrait ». 

La ville mise sur son futur, d’abord à l’horizon 2050. Paul Magnette l’écrit dans la préface du livre Charleroi Projet Métropolitain qui explique la rénovation du Pays Noir. 15 lignes plus loin, on lit que « se projeter dans le temps ne revient pas à délaisser le temps présent, au contraire ». Au Métro, Beka veut offrir un verre à Thomas Dermine pour en discuter. Astucieux pour remplir son bar. 

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La bière sans alcool décolle

ven, 30/05/2025 - 09:04
Une tendance en hausse, l’impact sur la santé publique est questionné

Blonde ou brune, de table ou d’abbaye, fruitée ou amère, la bière fait partie du patrimoine culturel belge. En 2023, le Belge consommait en moyenne 13,2 litres d’alcool pur, ce qui faisait de la Belgique un des pays les plus consommateurs d’alcool en Europe. En termes de consommation de bières, elle est estimée à 60 litres par habitant, selon les données de l’office européen de statistiques. Face à cette consommation excessive, des brasseries proposent des bières 0 %, une alternative que l’alcoologue Martin De Duve considère insuffisante pour répondre aux véritables enjeux de santé publique.

La bière sans alcool, un marché en pleine croissance en Belgique 

De plus en plus de marques de bière développent des versions sans alcool, afin de répondre à une demande en forte croissance. C’est le cas de la brasserie Alken-Maes qui a pour objectif de proposer une bière 0.0% au fût et à grande échelle dans les festivals et les concerts. Entre 2023 et 2024, les bières sans alcool ont remporté un succès grandissant sur le marché brassicole, enregistrant une progression de 40% des volumes écoulés. Mais ce marché reste encore peu développé par rapport à nos pays voisins. En Belgique, elles représentent, aujourd’hui, 4% des ventes de bière, loin derrière l’Allemagne (14%), les Pays-Bas (8%) et la France (6%). Pourtant, la consommation de bières 0.0 % dans l’Horeca en Belgique a progressé de 31 % entre 2022 et 2024, et cette croissance pourrait encore doubler dans les prochaines années.

La bière, une addiction bien réelle chez les belges

Bien que le marché de la bière sans alcool soit en pleine expansion depuis quelques années, il ne permet pas encore de réduire de façon significative le nombre de Belges en situation de consommation problématique d’alcool, voire en totale dépendance. D’après les chiffres de l’alcoologue Martin De Duve, un Belge sur sept est en situation de consommation problématique d’alcool et un sur quatorze en est dépendant.  Ces chiffres témoignent d’une réelle problématique. Cette consommation élevée d’alcool est aujourd’hui la deuxième cause de mortalité évitable juste derrière le tabac. Elle est responsable chaque année de 3 à 10 000 décès en Belgique, soit jusqu’à 10% de la mortalité globale. 

Le plan alcool c’est quoi ? 

​​Adopté en Conseil des ministres en mars 2023 après plus de dix ans de discussions politiques, le Plan Alcool vise à coordonner différentes mesures de prévention, de sensibilisation et de régulation autour de la consommation d’alcool. Il comprend 75 actions réparties en neuf missions, telles que la prévention, la promotion de la santé et l’amélioration de l’accès aux soins. 

Le plan alcool, une réelle solution au problème d’addiction ? 

Pour Martin De Duve, la réponse est claire : « C’est une coquille vide. » Il déplore le manque de mesures concrètes et contraignantes, pointant une certaine frilosité politique face au lobby de l’alcool. Selon lui, l’une des mesures les plus efficaces serait l’interdiction pure et simple de la publicité pour les boissons alcoolisées, à l’image de ce qui a été fait pour le tabac. En effet, la publicité pour l’alcool est un facteur qui influence les comportements de consommation. Elle a tendance à attirer les personnes les plus vulnérables, notamment les jeunes et les personnes qui ont un problème avec l’alcool. Une autre mesure envisagée par Martin consisterait à renforcer l’étiquetage des bouteilles d’alcool en y ajoutant plus d’informations, telles que des informations nutritionnelles, les ingrédients et surtout le nombre d’unités d’alcool par contenant, ce qui permet aux consommateurs de mieux réguler leur consommation. Enfin, d’autres solutions concrètes pourraient être mises en place, comme le remboursement des consultations d’alcoologie, ou encore l’obligation d’un accès à de l’eau gratuite dans l’Horeca et les événements festifs tels que les concerts, les festivals et les fêtes estudiantines. 

La bière 0.0%, une efficacité limitée sur les vrais enjeux de santé publique 

Comme nous l’explique Martin De Duve, si le marché de la bière sans alcool se développe, notamment grâce à des initiatives comme celle d’Alken-Maes, il répond avant tout à une logique économique. Le goût de la bière, son aspect festif, la possibilité de faire comme les autres sans alcool, ces arguments séduisent, mais ne ciblent pas les personnes les plus à risque. Pour Martin De Duve, ce type de produit n’a pas d’impact réel sur la diminution du nombre de personnes dépendantes. En effet, selon lui, ces bières sans alcool peuvent susciter chez certaines personnes un craving, autrement dit une envie irrésistible de consommer à nouveau de l’alcool.

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Qu’est-ce-qu’on boit ?

ven, 30/05/2025 - 08:54

Alexis Vercruysse

Après m’être immergé pendant plusieurs semaines dans le monde de quelques alcooliques abstinents de Charleroi, j’ai observé notre société d’un nouvel oeil. En franchissant les portes des bistrots de la ville, je découvre que l’alcool est partout, que son décor est si familier qu’il en devient invisible. Je découvre aussi que ne pas boire est plus stigmatisé que de boire trop.

Personne sur la terrasse du Bergerac. A l’intérieur, les hommes attablés regardent ceux qui sont debout pour jouer au billard. Derrière le bar, la gérante se tient prête à les servir. Le Café de Paris ouvre.
Le patron attend ses premiers clients sur la terrasse. Carlo et son ami, chez Walter.
Tout les matins ou presque c’est le même rituel.
«Je suis venu hier vers 10h mais tu n’étais pas là !» lance l’un.

«Belote !» crient les vieux de chez Aurélio. Ici, il n’y a que des pensionnés, «les jeunes se rassemblent chez eux maintenant, ou ailleurs mais plus dans les cafés en tout cas», me confie le gérant. Chez Aurélio L’Hôtel de Ville Taverne le Versailles Au Majestic, Mario tient compagnie au barman. Il est bientôt midi mais il n’est toujours que le seul client, les deux semblent s’en réjouir. Stella et Zaf, à la Brise Catherine et son chien Mystic, à la taverne Le Carolo. Le Madison 2, fermé, mais qui sentait l’alcool quand même.

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Jury central : plus de candidats, pas plus de moyens

ven, 30/05/2025 - 08:38

Photo réalisée à l’aide de l’intelligence artificielle

Décrocher ses diplômes du secondaire sans passer par l’école traditionnelle, c’est la promesse du jury central. De plus en plus de jeunes choisissent cette alternative pour obtenir le certificat d’enseignement secondaire supérieur, le CESS. Cette année encore, le nombre de candidats a augmenté de près de 30%, passant de 1.059 inscrits en 2024 à 1.368 en 2025.

À l’heure où certains élèves de 6e secondaire préparent assidûment le CESS sur leurs bancs d’école pour juin prochain, d’autres avaient déjà le nez dans leurs copies en février pour le deuxième cycle d’examens du jury secondaire 2024-2025.

Mêlant autonomie, flexibilité et exigence, ce jury central enregistrent un nombre croissant de participants depuis des années. Entre 2016 et 2024, leur nombre a doublé, passant de 1298 à 2622 inscrits, toutes options confondues.

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Pourquoi les jeunes ont-ils davantage recours à ce parcours pour obtenir leur CESS ? « Bonne question« , s’interroge Cindy Renard, directrice des jurys de l’enseignement secondaire pour la Fédération Wallonie-Bruxelles. De mémoire, elle n’a pas le souvenir d’une étude réalisée sur les motivations étudiantes et elle attend avec impatience les conclusions de l’analyse qui a été lancée cette année pour la première fois depuis l’apparition des jurys de l’enseignement secondaire en 1864.

Décrochages scolaires, redoublements, concurrence de l’enseignement à domicile ou encore nécessité de conjuguer des études à une activité professionnelle. Alors que les analyses définitives sont attendues prochainement, les résultats provisoires pointent déjà certaines difficultés étudiantes. A l’image de celles qu’a connues Madelaine De Schutter, diplômée du jury en 2023. « Après une phase dépressive, qui m’a fait décrocher et qui m’a éloigné de l’école, j’ai raté ma 5e secondaire. Je ne me sentais pas bien dans mon école, je trouvais les enseignants trop sévères. Pour ne pas changer d’école et perdre un an de plus, j’ai passé mon CESS avec le jury central. »

Cette trajectoire n’est pourtant pas un long fleuve tranquille. Même si le jury central séduit de plus en plus de jeunes, sa difficulté est souvent sous-estimée. « Beaucoup s’inscrivent sans se rendre compte de l’ampleur du travail. Il y a peu de temps entre l’inscription et les examens, et la matière est énorme. Certains abandonnent en cours de route. D’autres passent seulement une ou deux épreuves à la fois« , souligne Labiba Deckers, membre de l’ASBL EAD (Enseignement à Domicile). Les résultats des épreuves pour le premier cycle d’examens de l’année 2024-2025 valident ce constat : hors absentéisme, le taux d’échec s’élève à 76,8%. « Les correcteurs parlent souvent d’un manque de préparation des candidats mais ils ne se rendent pas compte que ce sont deux ans de matière à restituer« , insiste Cindy Renard.

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« Il s’agit de la faillite de l’enseignement public », tranche nettement Constantin Ullens, un des co-directeurs de l’école du Bois Sauvage, une école privée qui prépare au jury général pour le Certificat d’études du 1er degré (CE1D), le Certificat d’études du 2e degré de l’enseignement secondaire (CE2D) et le Certificat d’enseignement secondaire supérieur (C.E.S.S.) pour le 3e degré de l’enseignement général.

Fabrice Aerts-Banken, directeur adjoint de la Direction générale de l’Enseignement obligatoire pour la Fédération Wallonie-Bruxelles, relativise ces propos et souligne la faible proportion d’élèves concernés. « Si vous rapportez les 4 000 candidats du jury secondaire aux 900.000 élèves qui sont dans le système traditionnel, ce n’est pas grand-chose. […] Ça ne représente que 0,4%. » Si ce chiffre de 900.000 correspond à l’ensemble des élèves en Fédération Wallonie-Bruxelles qui pourraient envisager la voie du jury lors de leur parcours scolaire, ce ratio diminue légèrement lorsque l’on ne prend en compte que les élèves du secondaire. Sur un total de 388.840 élèves inscrits dans le secondaire traditionnel en 2023, le jury du même niveau d’études comptait 3.877 candidats, soit une proportion proche de 1 %.

Pas de budget supplémentaire

Pour intégrer le jury du secondaire, plusieurs voies d’accès coexistent. Certains optent pour des écoles privées qui préparent au cursus avec des frais d’inscription qui varient de 300€ à 1.200€ par mois. D’autres se forment via l’enseignement à domicile. D’autres encore apprennent en autonomie et tablent sur l’e-learning proposé par la Fédération Wallonie-Bruxelles pour acquérir les compétences nécessaires. C’est le cas de Nell Hurdebise, qui a dû quitter les bancs de l’enseignement traditionnel pour réaliser son rêve dans la danse. « Pour math et néerlandais, je trouvais que les matières dans l’e-learning étaient moins complètes qu’aux examens. J’ai passé les épreuves à trois reprises, et elles se sont toujours soldées par des échecs. »

La directrice des jurys de l’enseignement secondaire pour la Fédération Wallonie-Bruxelles connait ces lacunes mais son service manque de moyens pour les améliorer. « On prévient les participants que les modules d’e-learning pourraient ne pas être suffisants. On essaye de faire de notre mieux pour les mettre à jour. Tout ce qui peut être mis en place est mis en place. Mais sans moyens supplémentaires, nous sommes limités. On alerte le cabinet de la Ministre depuis plusieurs années mais rien ne change« . Constantin Ullens, co-directeur de l’école du Bois Sauvage, abonde dans le même sens. Pour lui, « ce service devrait être amélioré. Pour préparer les cours de l’e-learning, qui concernent un paquet d’élèves, la Fédération Wallonie-Bruxelles n’a besoin que de trois profs. En comparaison avec les coûts d’enseignement à l’école, ça ne coûte pas cher !« 

Si le Cabinet de la Ministre de l’Éducation et de l’Enseignement Valérie Glatigny, contacté à plusieurs reprises, n’a jamais répondu à nos questions, la situation pourrait ne pas évoluer. Du côté de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le message de Fabrice Aerts-Banken est limpide : « augmenter les moyens n’est pas la première des options. Notre priorité, cela reste que les jeunes se scolarisent dans l’enseignement traditionnel, et qu’en cas de décrochage scolaire, ils puissent obtenir leur CESS via le jury central ».

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