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Updated: 2 hours 17 min ago

5 documentaires à ne pas manquer sur Mammouth

3 hours 37 min ago

Il n’y pas que sur Netflix, Auvio et les plateformes de streaming qu’on trouve de bons documentaires. Sur Mammouth Media, vous découvrirez des longs formats qui vous feront voyager, rire ou pleurer… et surtout qui vous éclaireront sur des réalités de Belgique et d’ailleurs. Nos vidéos sont accessibles sur Youtube. On vous présente une sélection dans cet article.

Faux taxi, vraies victimes

Ce documentaire retrace le parcours judiciaire d’Alice et Marine, toutes deux violées par le même homme. Ce dernier s’est fait passer pour un chauffeur de Taxi/Collecto entre 2016 et 2019. Les deux témoignages mettent en lumière la réalité que peuvent vivre les victimes de violences sexuelles qui décident de se tourner vers la justice belge. Aux récits d’Alice et Marine, viennent également se greffer les témoignages de professionnel·les qui travaillent aux contacts des victimes.

Coline Labeeu, Caroline Lecomte, Juliette Orio, Zoé Penelle et Charlotte Verbruggen ont réalisé ce documentaire qui a obtenu le prix Belfius de la presse dans la catégorie « Jeune talent belge ».

Vivre pour l’autre

Plus d’un million de belges s’occupent au quotidien d’un proche en perte d’autonomie. Ce documentaire émouvant retrace le portrait croisé de quatre d’entre eux, filmés dans leur intimité par Audrey Cador, Loriana Candela, Hugo Derycke, Doriane Heylighen, Alisée Pichon et Rémy Rucquoi. Le reportage éveille les consciences sur la situation difficile et peu médiatisée des aidants-proches en Belgique.

Adoptions en Corée du Sud: les enfants de la honte

Depuis 1953, plus de deux cent mille enfants coréens ont été envoyés à l’adoption internationale, faisant de la Corée du Sud le premier pays exportateur d’enfants au monde et le modèle d’un système qui s’est ensuite répandu ailleurs. Derrière ces chiffres se cachent des vies, des séparations, des identités en quête de sens. Car si ce système a longtemps été présenté comme une réussite humanitaire, il soulève aujourd’hui de profondes questions éthiques, légales et humaines. Un documentaire signé par Lou-Ann Ancion, Hélène Loffet, Géraldine Ngono Nkoumba, Lara Pino Lerro, Camille Remacle et Luna Van den Hauwe .

Conversations dans la cuisine, avec les russophones de Lettonie

Ce documentaire vous emmène à la rencontre des habitants de Daugavpils. Située à l’extrémité de l’Union européenne, dans le sud-est de la Lettonie, cette ville est proche de la frontière russe et biélorusse. Elle est constituée majoritairement de personnes russophones. Réalisé par Ali Al Helli, Laura Collard, Marie Debauche, Léna Gheys, Émile Herman et Inés Verheyleweghen, le reportage a été primé au prix Louise Weiss du Parlement européen.

Roulez jeunesse

Ce documentaire évoque l’émancipation des jeunes issus des communautés de Gens du voyage, et leur recherche identitaire. « Au travers des témoignages de trois jeunes femmes, nous espérons offrir une nouvelle perspective, éclairant les aspects méconnus de ces vies itinérantes », expliquent Yu-Jin Albrecht, Arthur Boulanger, Céline Pauwels, Max Romain, Léo Rochet, Marie Ruwet, qui les ont suivies pendant un an et demi. « Nous voulons montrer les raisons pour lesquelles ces personnes décident de poursuivre ce mode de vie qui, parfois, paraît si éloigné du nôtre. Au fil de cette expérience, nous nous sommes rendu compte que nos choix et nos espoirs ne sont pas si éloignés les uns des autres ».

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Dehors… Dedans !

Thu, 18/12/2025 - 17:32
Croquis de vie dans un centre pour réfugiés à l’heure du durcissement de l’accueil

Photos : Lilou Vanderheyden

Dans une maison promise à la démolition, quelque part à Bruxelles, douze hommes en procédure d’asile patientent faute d’accueil. La Plateforme Belrefugees en a fait un refuge temporaire pour ces hommes arrivés seuls. Autour d’un plat de pâtes, la vie reprend un peu : quelques heures pour oublier les refus, les démarches et un système d’accueil qui se referme. Ici, on attend ensemble, en espérant que la prochaine étape arrive enfin. Pendant ce temps, les réformes du gouvernement Arizona restreignent l’accueil pour décourager les nouvelles arrivées.

Dehors, le froid de novembre fait frissonner Bruxelles. À l’intérieur de cette maison de quartier, la vapeur des casseroles fait transpirer les fenêtres. Ce soir est un soir à part, un de ceux qui brise un peu le silence des autres jours. Ces soirs où la nuit tombe vite et où chacun finit par s’enfermer dans sa chambre, téléphone en main.


Trois bénévoles sont venues partager le repas. Pour les douze hommes, c’est une pause dans l’attente, un moment où l’on essaie de ne plus penser. Les fourchettes plongent. Les premières bouchées sont silencieuses, puis les commentaires fusent :
« Je n’avais jamais goûté une bolognaise avec du poivron. »
« Tu as mis quelle épice ? »
« C’est piquant, un peu ! »

Les langues se mélangent : français, arabe, anglais. Ahmad sourit en traduisant une blague d’Hassan au reste de la table. Il dit souvent qu’il ne préfère pas parler du passé. Pourtant, quand il est en confiance, il laisse parfois filer une partie de son histoire: le container dans lequel il a dormi, la douleur aux pieds à force de marcher quand il a fui son pays.

À l’autre bout de la table, Mbaye scrolle sur son téléphone. « Chaque jour se ressemble ici », dit-il en haussant les épaules. « C’est pour ça que j’aime quand un bénévole vient, ça casse la routine », ajoute-il. Quand on lui demande pourquoi il a quitté le Sénégal, il répond simplement : « Là-bas, tu ne gagnes rien… on est tous pauvres. Moi, je veux un meilleur avenir. » Sa femme et sa fille sont restées au pays. Ce soir, il mange en silence, ses pensées restent accrochées à l’écran. Après le repas, une bénévole propose une partie de babyfoot. La tablée se disperse, des duos se forment. La balle claque, les figurines grincent, les cris fusent.

Un peu plus tard, Noël rentre, son sac en bandoulière. Il fait chaque jour le tour de Bruxelles pour vendre des bracelets pour une association. Ce n’est pas vraiment un travail, mais ça lui donne une occupation. Ce soir, il s’écroule sur une chaise et observe la partie, trop fatigué pour jouer. À 22 h, quelqu’un sort un Uno. Ceux restés en retrait rapprochent leur chaise. Les cartes colorées circulent. Quelques-uns montent dormir discrètement. À 23 h, les bénévoles enfilent leurs manteaux. « À la prochaine. » La porte se referme. Les cartes restent éparpillées sur la table. Pendant quelques heures, cette maison a vraiment ressemblé à un foyer. Et pour ces douze hommes qui attendent, ce sont ces soirées là qui comptent. Ils patientent avant l’étape suivante : passer par le circuit Fedasil, obligatoire s’ils veulent espérer une régularisation.

Une maison pas comme les autres

C’est peut-être le seul « défaut » de cette maison : elle offre une vie presque normale, conviviale, où chacun garde son autonomie et sa liberté. Une vie très différente de ce qui les attend en centre Fedasil. Là-bas, les structures sont souvent immenses, surchargées, parfois sans accès à une cuisine. Beaucoup sont éloignées des villes, ce qui complique la recherche d’un boulot ou simplement l’intégration. Et les chambres, petites, se partagent parfois à huit. Une autre réalité, à laquelle il va falloir s’adapter. Cette maison est une exception dans un système saturé : un logement à taille humaine où les origines se mélangent, où la cohésion se crée, où l’on peut se sentir un peu chez soi. Destinée à la démolition et vouée à devenir un immeuble neuf, elle a été confiée à Belrefugees en attendant la suite du chantier. Depuis 2021, elle abrite douze demandeurs d’asile.

Ils viennent du Burundi, du Sénégal, du Nigeria, du Burkina Faso. D’autres sont arrivés de Syrie ou d’Afghanistan. Les parcours sont multiples, certains plus lourds que d’autres. Des trajectoires parfois opposées, des langues qui se croisent, des religions différentes. Mais tous attendent la même chose : une réponse, un papier, un statut. Une attente qui devient semaines, puis mois, parfois années. Et cette maison leur permet de ne pas être livrés à eux-mêmes, de s’intégrer un peu, d’y croire encore.

L’entrée donne directement sur le salon : un canapé fatigué, une table basse, un sapin de Noël planté là toute l’année. Le babyfoot trône dans un coin. Au mur, des stickers de la tour Eiffel et des papillons ; en face, des polaroïds des anciens occupants. Quatre chambres pour douze hommes. Un jardin qui permet de respirer sans vraiment sortir.

La cuisine, petite et encombrée, c’est le cœur de la maison. Là où Ahmad prépare souvent le repas, où Hassan teste des pâtisseries, où Armand tente une recette en appelant sa mère pour connaître les étapes à suivre. Là où les odeurs racontent, à leur place, les souvenirs de chez eux.

Ailleurs à Bruxelles, l’accueil diffère complètement, si certains ont la chance de patienter au chaud, beaucoup d’autres attendent dans la rue. De plus en plus de personnes risquent le même sort. L’accueil devient plus restrictif, et les plateformes qui tentent d’héberger les sans-abris dis-posent de moyens toujours plus limités. C’est le cas de la plateforme Belrefugees. Cette structure est née il y a quinze ans dans le parc Maximilien. Mehdi Kassou, l’un des fondateurs, se souvient : « À l’époque, plusieurs centaines de personnes réfugiées originaires de Syrie, d’Irak arrivaient quotidiennement en Belgique. Des bénévoles venus de partout et des collectifs se sont mobilisés. »

Dix ans plus tard, la plateforme s’est professionnalisée : « Aujourd’hui, la plateforme, c’est un peu plus de trois cents salariés partout en Belgique francophone, à Bruxelles et en Wallonie. Il y a plusieurs centres d’hébergement d’urgence, le hub humanitaire, des centres d’accueil de jour, des centres d’hébergement de plus petite capacité en Région wallonne, des écoles de langues et des cours d’initiation à l’informatique. » En 2024, tous dispositifs confondus, Belrefugees a assuré plus de 422 000 nuitées, accompagné 11 000 personnes et servi 335 000 repas.

“Le gouvernement fabrique des sans-abris”

Il y a des textes qui passent inaperçus, et d’autres qui font trembler un système avant même d’être votés. L’accord de gouvernement Arizona, annoncé début 2025, en fait clairement partie. Son idée centrale tient en une phrase : moins de places d’accueil pour moins d’arrivées. Et cela alors que les places manquent depuis des années, que des milliers de personnes dorment dehors et que l’État a été condamné plus de dix mille fois pour « non-accueil ».

Selon le Ciré (Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Étrangers), le gouvernement entreprend une politique d’exclusion destinée à dissuader et à réduire le nombre de places disponibles. Pour Mehdi Kassou, c’est une impasse : « Je ne pense pas que ce durcissement va freiner les arrivées, mais je pense qu’il va augmenter le nombre de personnes à la rue. En fait, ces politiques de rejet au niveau du fédéral sont des politiques qui fabriquent, à une échelle industrielle, des sans-abris qui errent dans les rues de Bruxelles. »

L’accueil individuel disparaît. Les ILA, logements gérés par les CPAS, ferment. Retour à un accueil collectif et centralisé. Pourtant, cet accueil individuel est le seul qui protège certaines personnes vulnérables : une femme victime de violences peut fermer une porte, une personne LGBTQIA+ s’y sent en sécurité. De plus, selon le Ciré, ce système coûte moins cher que les centres collectifs.

Les personnes en procédure Dublin ( celles dont les premières empreintes ont été relevées dans un autre pays de l’UE avant leur arrivée en Belgique, et que la Belgique peut donc renvoyer dans ce pays initial) seront orientées vers des centres spécifiques, comme celui de Zaventem. Mehdi Kassou rappelle que ces profils représentent « 50 % des demandeurs d’asile en Belgique ». Sans accueil, et avec les nouvelles décisions, elles erreront encore plus longtemps : non plus six mois, mais dix-huit. Une charge triplée pour Bruxelles.

Quant aux personnes ayant obtenu un statut de réfugié dans un autre pays européen (les « statuts M »), elles restent exclues de l’accueil. La loi « accueil » de 2007, a été modifiée cet été par le gouvernement pour confirmer la limite du droit à l’aide matérielle (l’accueil). Cette exclusion s’étend également aux mineurs qui introduisent une demande après le rejet définitif de celle de leurs parents. Le résultat est directement visible sur le terrain : au Hub, le centre de jour où l’on distribue des repas à ceux qui dorment dehors, les travailleurs croisent désormais de plus en plus de jeunes et de familles.

Avec les nouvelles mesures du gouvernement Arizona, le délai pour le regroupement familial passe de douze à six mois, ce qui rend quasi impossible de rassembler les différents papiers nécessaires pour ces familles séparées par des guerres et des frontières. Le gouvernement veut réduire le budget migration de 1,5 milliard et dans le même temps, doubler les centres fermés, allonger les détentions, multiplier les obligations et les sanctions. Pourtant, selon le Ciré, un séjour en centre fermé coûte près de 220 euros par personne et par jour contre 50 euros pour l’hébergement en centre ouvert Fedasil.

Benoît Mansy, porte-parole de Fedasil, rappelle l’ampleur des moyens actuels : « L’année passée, on était autour d’un milliard d’euros de budget consacré à l’asile. C’est un budget qui n’a jamais été aussi important, mais c’est aussi lié au fait qu’on n’a jamais eu autant de places d’accueil. Le réseau d’accueil de l’asile représente 35 000 places aujourd’hui. »

Pourtant, en septembre 2025, 1 945 personnes ont été placées sur liste d’attente, prévenues qu’aucune place n’était disponible dans un centre Fedasil. Et les prévisions budgétaires annoncent le pire : selon la ministre de l’Asile et de la Migration, Anneleen Van Bossuyt (N-VA), le budget de Fedasil pourrait chuter de 83 % d’ici 2029. Une baisse qui ferait disparaître des milliers de places d’accueil. Benoît Mansy nuance : « Ce chiffre ne correspond pas à un chiffre officiel. C’est un chiffre qui a circulé, mais qui n’a pas été confirmé par le gouvernement. » Il explique néanmoins la logique gouvernementale : « Le souhait, c’est de réduire l’attractivité de la Belgique en matière d’asile. Donc diminuer les demandes d’asile en Belgique. Et si les demandes d’asile diminuent, on va pouvoir réduire le nombre de places. »

Pour lui, cette réduction ne signifie pas automatiquement plus de sans-abris : « Ce que je veux dire, c’est que si on ferme des places, ça ne veut pas dire qu’on va fermer un centre et mettre toutes les personnes dans la rue. » La diminution de capacité ne serait envisageable que si le nombre de demandeurs baisse : « Nous, on a bien noté la volonté du gouvernement, et on n’est pas contre, mais c’est plutôt un objectif à moyen terme quand la pression sur les centres sera réduite. »

Ces personnes quittent une grande misère pour en retrouver une autre, avec seulement l’espoir de survivre

Le Hub humanitaire est souvent le premier point de contact pour ceux qui cherchent du soutien. Les équipes de Belrefugees orientent vers un hébergement et servent des repas. Le vestiaire solidaire propose manteaux, bonnets, chaussures ou sacs de couchage, triés et présentés comme dans un vrai magasin, pour que chacun puisse choisir librement et avec dignité. Chaque semaine, jusqu’à 240 personnes, majoritairement en demande de protection internationale et en grande précarité, bénéficient gratuitement de ces vêtements. Malgré la pression, le service reste ouvert à tous, une nécessité alors que le réseau fédéral n’offre toujours aucune aide vestimentaire, même dans ses dispositifs d’urgence.

Les laissés-pour-compte

Ceux qui restent à la rue, c’est le Samusocial et Belrefugees qui les récupèrent : femmes seules, enfants, hommes isolés. Ils dorment dans des centres d’urgence, des squats, parfois dehors. Le délai pour une place en centre d’urgence s’étend parfois de quatre à six semaines pour seulement 28 jours d’hébergement.

Le rapport de Belrefugees le montre, les effets sur la santé sautent aux yeux : gale, infections, douleurs, détresse psychologique. Même les mineurs non accompagnés se retrouvent dans des squats saturés ce qui les met en contact avec les dangers des substances et des risques de la rue.

Mehdi Kassou ajoute : « Les gens quittent des zones de guerre, ou des zones économiquement ou climatiquement ravagées. Elles n’ont pas le choix de partir. Il s’agit de survie. Et donc elles quittent des zones de grande misère, mais pour rejoindre d’autres zones de grande misère dans lesquelles elles ont de potentielles perspectives de survie. »

Pour lui, les réformes Arizona auront un impact « désastreux » : « D’un point de vue humanitaire, évidemment, ça génère des situations absolument catastrophiques, avec par exemple dernièrement, le retour d’enfants et de femmes à la rue qui vivent dans des conditions désastreuses. On est sur une catastrophe annoncée et assumée de la part du gouvernement Arizona. Alors qu’est-ce que je réponds à ceux qui estiment que ces réformes sont nécessaires ? Non, elles ne le sont pas. En fait, ces réformes sont purement idéologiques. Elles sont à l’image d’une politique qui souhaite un renfermement sur soi de la Belgique. »

Le financement de Belrefugees dépend à 98 % des subventions de la Région bruxelloise et de la Wallonie. La région wallonne a déjà annoncé qu’elle ne renouvellerait pas son soutien en 2026. Quant au gouvernement bruxellois, toujours en affaires courantes, c’est l’incertitude concernant les financements. La plateforme tente d’anticiper : « Nous sommes en train de réfléchir à des dispositifs en famille, parce que le gouvernement fédéral en renvoie de plus en plus à la rue. Donc oui, on a commencé à s’y préparer et on va devoir a priori s’adapter à cette nouvelle réalité. Cela implique des nouveaux modèles d’hébergement et de relancer des grandes mobilisations citoyennes ». Mehdi Kassou ajoute : « Et plus le besoin est grand et plus il est important de ne rien lâcher. La solidarité est une valeur fondamentale qui garantit et garantira encore notre survie à l’avenir. »

Vivre en attendant

L’attente, tout le monde voudrait la réduire. Pour Fedasil, accélérer les procédures est la priorité. Benoît Mansy explique : « Aujourd’hui la durée de séjour chez nous est de quinze mois. Les longues procédures, ça bloque des gens dans des centres. Ils n’ont pas vraiment de perspectives d’avenir. C’est compliqué pour eux d’être dans cette situation d’attente. L’objectif gouvernemental c’est de ramener les procédures à six mois. Il n’y a pas que limiter les entrées, il y a aussi accélérer les sorties en accélérant la durée de la procédure. » L’idée semble logique : moins de délais, moins d’incertitudes, des réponses plus rapides. Mais beaucoup redoutent que, sans moyens supplémentaires, la vitesse prenne le dessus sur la qualité. Des dossiers examinés trop vite, au risque de renvoyer des gens sans avoir vraiment compris leur histoire.

Ces réformes sont purement idéologiques: elles reflètent une Belgique qui se replie sur elle-même

Pourtant, dans une maison comme celle-ci, l’attente prend une autre forme. Elle est longue, fatigante parfois, mais elle rassure aussi. Elle laisse le temps de souffler, de reprendre pied, de se sentir un peu chez soi avant l’étape suivante. Ici, attendre n’est pas tellement subir : c’est se préparer, retarder un moment où tout deviendra plus compliqué. Parce que peut-être que l’après sera plus lourd que le présent. Alors, paradoxalement, dans cette maison, l’attente devient presque réconfortante.

Dehors, le froid de novembre fait toujours frissonner Bruxelles. Dans la maison, la vie continue. Armand a trouvé un petit boulot et met quelques euros de côté. Sadou apprend le français sur Duolingo. Dans le salon, Hassan soulève des haltères bricolés avec des bouteilles d’eau. À la cuisine, Ahmad teste une nouvelle recette.

Puis viennent les heures vides, celles où l’on scrolle sans fin, comme Mbaye, où le temps semble à la fois long et presque suspendu. Dans le salon silencieux, le thé est servi. Une tasse semble vouloir se faire remarquer, son slogan trop sûr de lui clame : « Always live your dream ». Comme si ça lui passait par la tête à ce moment-là, Hassan lâche simplement : « Moi, je n’ai pas de rêve. » Pas de tristesse dans la voix, pas de plainte. Juste une évidence posée là. Mais quand ils se retrouvent autour de la table, ils y croient encore : les sourires des autres bénévoles, les histoires de ceux qui ont obtenu leurs papiers, l’idée que, peut-être, un jour, la Belgique dira oui.

Pour l’instant, ils patientent. Ensemble.

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Stérin, le cadeau qu’on n’attendait pas

Thu, 18/12/2025 - 12:07
Comment le roi du Bongo finance l’extrême-droite française depuis la Belgique

Connaissez-vous Pierre-Edouard Stérin ? Ce milliardaire Français, exilé fiscal en Belgique, qui a fait fortune notamment avec le groupe de coffrets cadeaux Smartbox (Bongo), rêve de sauver son pays en mettant au pouvoir une alliance de la droite extrême et de la droite libérale et conservatrice. Pour arriver à ses fins, il veut agir notamment par l’influence sur le débat public et une « guérilla juridique », à travers le projet Périclès.
Convoqué plusieurs fois à l’Assemblée nationale française pour en répondre, Pierre-Edouard Stérin ne s’y est tout simplement jamais présenté, le parquet de Paris a ouvert une enquête.
Qui est ce milliardaire qui veut changer la France depuis la Belgique ? On vous explique dans cette vidéo.

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H36 : 36 heures pour faire arriver un peloton professionnel

Thu, 18/12/2025 - 11:25
Une plongée dans les coulisses de Binche-Chimay-Binche

Arnaud Guillaume

Sécurité, installation, diffusion : avant que le peloton ne surgisse sur la ligne d’arrivée, des dizaines de personnes sont à pied d’œuvre. Pendant 36 heures, nous avons suivi celles et ceux qui préparent l’arrivée de la course professionnelle Binche-Chimay-Binche. Une plongée dans les coulisses d’un événement que le public ne découvre habituellement qu’au moment du direct.

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Pierre-Antoine Gillet

Thu, 18/12/2025 - 11:17
Le parcours d’un géant du basket belge

A 34 ans, Pierre Antoine Gillet est une légende du basket belge. Discret en dehors et leader incontesté sur le terrain, il est aussi l’un des piliers de notre équipe nationale. Retour sur le parcours d’un athlète qui a su dépasser les attentes et guider les jeunes générations

Une troupe de géants débarquent au COREtec Dôme, à Ostende. Lundi matin, l’équipe du BC Ostende retrouve son fief pour une séance photo suivie d’un entrainement. Un parfum de début de saison mêlé à un léger sentiment de stress. Même chez ces champions, la tension est là. Et pourtant, ils sont maitres incontestés du basket belge masculin depuis 14 saisons d’affilée maintenant.

Parmi eux, un joueur se détache. Plutôt discret et timide, il se prête au traditionnel exercice du portrait d’équipe, qu’il déteste pourtant. Quelques mètres plus loin, une immense fresque à son image orne le mur. Elle vient d’être peinte par des fans. Il n’y prête pas attention. Elle témoigne pourtant d’un palmarès monstrueux : 10 saisons disputées, huit titres de champion de Belgique, six Coupes de Belgique, une BNXT League et trois Supercoupes.

Bienvenue dans le monde de Pierre Antoine Gillet : un gars simple et sérieux, qui a su rester humble et concentré en dépit d’un palmarès impressionnant.

Débutant sur le parquet de Amay, à 12 ans, il rêve de devenir pro. Il prendra la route d’un centre de formation à Jambes, où il n’écrase pas la concurrence. Une success story inhabituelle pour un sportif de haut niveau. « Partout où je suis allé, j’étais un peu l’outsider. Je venais d’un petit club (NDLR : Gaulois de Ombret). Il n’y avait qu’une partie des joueurs en sélection régionale qui pouvait intégrer le centre de formation. Moi, je n’étais pas dedans » , se rappelle-t-il. « Mes parents m’ont poussé à écrire une lettre de motivation. Et ça a fonctionné. Je suis donc rentré au centre en étant le moins fort… et je suis sorti le premier à signer un contrat pro » .

Après cette signature inopinée, l’ailier fera chemin de Liège jusqu’à Ostende en passant par Chalon-sur-Saône et Teneriffe. Il accomplira l’un de ses rêves : jouer pour l’équipe nationale ou il y deviendra un pilier pendant une décennie entière.

« Représenter mon pays, ça a été toujours quelque chose d’important pour moi. Entendre l’hymne, ça me faisait toujours des frissons. Cela permet de réunir tout le monde dans notre pays de plus en plus divisé » . En juillet dernier, le joueur met un terme à cette belle aventure, faute de temps de préparation suffisant entre deux saisons. Fêté pour son dernier match, il n’oublie pas les très beaux souvenirs vécus avec le maillot noir-jaune-rouge. « J’ai disputé trois championnats d’Europe. C’est clairement le plus haut niveau auquel j’ai joué. Quand tu te retrouves face aux meilleurs joueurs du continent, tu réalises à quel point le basket européen est relevé. À un moment, j’ai pris la décision d’arrêter. J’étais fier de ce que j’avais accompli avec l’équipe nationale. C’était aussi un choix familial. Les étés sont très courts, et je sentais que, physiquement comme mentalement, ce serait compliqué de continuer à tout enchaîner. Si je voulais me préserver pour la saison suivante, je devais lever le pied» .

Toutes ces expériences à l’étranger et en équipe nationale lui ont permis de devenir un véritable leader sur le terrain. De nature très timide, il est pourtant devenu un des capitaines emblématiques du club ostendais, à l’âge de 34 ans. Dans le vestiaire, il ne prend pas souvent la parole. « Je n’aime pas trop m’exprimer pour le simple plaisir de parler, parfois il vaut mieux être clair et direct » , explique-t-il. En tant que jeune joueur, il écoutait les vétérans. Désormais, il guide les jeunes qui arrivent. « C’est parfois compliqué de gérer ces nouvelles générations, mais c’est aussi un défi que j’accepte. Je suis plutôt un gars qui montre ce qu’il faut faire. J’essaie de mettre beaucoup d’énergie, d’intensité, de me battre pour chaque ballon. Quand tu es à terre ou que tu sautes pour récupérer un ballon, ça influence le reste de l’équipe, le public… tout le monde. »

L’arrivée de jeunes joueurs ambitieux n’a fait que renforcer le rôle de Gillet au sein de l’équipe. Il hérite à présent du rôle du « papa » de l’équipe. « Quand j’ai commencé ici, j’étais un jeune et je faisais de mon mieux pour rester discret, écouter les vétérans. Aujourd’hui, les jeunes arrivent avec une confiance incroyable et pensent déjà être prêts. C’est parfois compliqué à gérer. Ce qui est fou, c’est que j’ai vu les grands joueurs du basket belge qui étaient là. Je les ai vus partir, puis j’ai vu de jeunes joueurs arriver, et j’ai fait un peu la transition. Maintenant, les jeunes me disent : “Bah oui, tu fais déjà partie des grands noms.” Parfois, c’est un peu difficile de réaliser ça » .

À 34 ans, le Hutois s’approche déjà de la fin de sa carrière. Pour lui, hors de question de rester dans le monde du basket. « Pour l’instant, je ne sais pas trop si je veux rester dans le basket, parce que c’est tout ce que je connais. Je ne sais pas vraiment ce que je pourrais faire ensuite. Être coach, agent, manager … ça ne m’intéresse pas. C’est difficile de rester pleinement dans le moment présent et de profiter de ce que je fais, alors que je sais qu’il faut doucement préparer l’avenir » .

D’un petit gars d’Amay jusqu’à à un géant ostendais, d’un rôle d’outsider chez les jeunes à capitaine emblématique du meilleur club en Belgique, Pierre Antoine Gillet laissera l’image d’un joueur qui a bâti sa carrière sur un travail acharné, au-delà des titres et fresques murales. « Le basket m’a appris beaucoup sur moi-même. J’ai du caractère. À chaque étape de ma carrière, j’aurais pu abandonner, avoir peur ou me dire “OK, ce n’est pas pour moi”. Mais j’ai eu beaucoup de soutien de ma famille et de mes proches. Je peux vraiment faire confiance à ce petit cercle qui m’entoure. Ces valeurs, ce sont aussi mes parents qui me les ont transmises. Le basket m’a appris que rien n’est facile, mais que, si j’ai vraiment quelque chose en tête, je vais jusqu’au bout » . À l’heure actuelle, le parcours de Gillet reste un exemple, alors que le basket belge est en pleine expansion.

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« Je suis l’anti-Stéphane Bern »

Wed, 17/12/2025 - 10:42
Entretien avec Gaspard Giersé

© les Visites de mon voisin – 2025

Depuis bientôt 10 ans, Gaspard Giersé, historien de l’art et féru d’urbanisme, fait découvrir Bruxelles à un public de plus en plus large. D’abord lors de visites guidées plutôt confidentielles, les « visites de mon voisin » se sont ensuite déclinées sur les réseaux sociaux où il poste chaque jour photos d’archives commentées et capsules vidéos. Ce trentenaire bruxellois lance aujourd’hui son premier spectacle, « Bruxelles Chaos », une conférence humoristique qui raconte la capitale avec autant de railleries que de tendresse.

Tu travailles à partir de photographies d’archives que tu commentes. Comment procèdes-tu ?

Tout commence par mon obsession pour les images. Je vais souvent chercher au marché aux puces. J’utilise aussi pas mal de banques de données numériques qui renferment des trésors cachés. Ensuite, je retravaille les images avec Photoshop. Presque tout le temps, je les recadre. Je m’offre aussi le luxe de les restaurer, de les éclaircir, de les rendre lisibles. Je ne m’en cache pas. Je touche à l’archive. Je trouve qu’on n’est pas forcément dans le mensonge quand on éclaircit une photo trop sombre. On regarde naturellement une photo de gauche à droite -, on ne le sait pas toujours- on fait une lecture de la photo. Quand tu prends cela en compte, tu peux vraiment passer d’une photo qui ne raconte pas grand-chose à une photo  très parlante. Et comme les réseaux sociaux sont des endroits terrifiants en termes de concurrence d’images, tout doit être très fort. Je colorise parfois, ou j’isole des morceaux. Si je veux raconter l’histoire des barrières Nadar par exemple,– qui est liée au photographe Nadar venu faire une démonstration à Bruxelles avec un grand ballon -, je fais un montage : je prends un ballon, je mets des barrières Nadar dessus, et toute mon histoire est résumée sur une image. Je commence par l’image et après vient le texte. Il y a quelque chose de l’archéologue de l’image dans mon travail.

Tu as également réalisé quelques vidéos de témoignages de personnes âgées dont l’histoire personnelle a rencontré la grande Histoire.  Cela répond-il à une envie de compléter tes photos par des récits, de davantage faire « parler » tes images ?

Je travaille tout seul, avec peu de moyens. Commencer à faire un travail de vrai vidéaste de télévision, cela demande du temps, de l’argent. Mais mes oreilles sont grandes ouvertes tout le temps. Et surtout, mon créneau, c’est la vulgarisation. Je parle d’architecture en parlant des humains. J’aime bien voir quand un bâtiment est arrogant ou timide, quand il incarne du pouvoir ou pas, comment les humains se sont mis en scène. Dans le passé, on a beaucoup frimé avec des bâtiments. Maintenant, c’est un peu plus difficile à voir car l’architecture se passe beaucoup à l’intérieur, mais autrefois, il y avait plein de choses à lire sur les façades, ce sont des portraits des gens.

J’aime voir quand un bâtiment est arrogant ou timide, quand il incarne du pouvoir ou pas, comment les humains se mettent en scène.

Quelle est la vocation de ton travail ?  Le considères-tu comme un travail militant ?

Quand je fais des vidéos comme celle sur Tour et Taxis où je parle d’un ghetto de riches, ou celle sur le couvent des Récollets à Nivelles où je demandais la démission d’une ministre wallonne ce sont des actes militants oui. Ce sont d’ailleurs des vidéos qui font beaucoup de vues et qui ont un impact. Pour Nivelles, le permis d’urbanisme qui devait permettre la démolition de ce couvent du 15ème siècle a finalement été invalidé par le Conseil d’Etat. Et moi, j’ai été trainé en justice pour diffamation et calomnies par la ministre en question ! J’étais fier ! J’aime bien rappeler que les villes sont un amas de décisions de différentes époques, et que ce sont des objets très politiques. 

Comment ton point de vue historique t’aide-t-il à comprendre Bruxelles ?

J’ai compris une chose en observant cette ville, c’est qu’on parle souvent de la « bruxellisation »[1] comme d’un moment limité dans le temps, les années 60-70, où la machine s’emballe complètement, les promoteurs immobiliers, les politiciens véreux, les deux ensemble etc. Mais en réalité, quand tu regardes dans le rétroviseur, tu te rends compte que cette ville n’a jamais été capable de créer un urbanisme régulier. Même la Grand-Place, c’est un patchwork invraisemblable. C’est une ville qui, du fait d’avoir une identité assez faible, en creux, a toujours emprunté des modèles aux autres. Typiquement, quand on regarde les boulevards du centre, aujourd’hui le piétonnier, on voit que le projet était d’haussmaniser, mais c’est du Hausmann mal compris car les bâtiments sont complètement disparates. Même si on repère un peu le style, normalement Haussmann c’est tout mettre à niveau, les corniches, les balcons… Je vois déjà là l’ADN chaotique de cette ville. On le retrouve à pleins d’endroits. Bruxelles s’est toujours rêvée autre : elle s’est rêvée Paris, puis dans les années 1950, elle s’est rêvée ville américaine (autoroutes urbaines, viaducs démesurés, business center etc.), et encore aujourd’hui, avec le projet du musée Kanal, elle se rêve en capitale de l’art contemporain, comme si Bruxelles était Londres, avec un bâtiment démesuré, alors qu’elle n’en a pas les moyens, elle ne sait pas faire ça. Ce projet est un fiasco annoncé.

[1] La « bruxellisation »est un terme utilisé pour désigner les bouleversements urbanistiques d’une ville provoqués par de grandes opérations immobilières au détriment du cadre de vie de ses habitants, sous couvert de « modernisation ». Ce terme apparaît suite aux grands projets urbanistiques développés à Bruxelles dans les années 1960 et 1970.

L’Histoire t’aide à mettre de l’ordre dans le chaos ?

Oui ! En quelque sorte, avec mon spectacle Bruxelles Chaos, j’ai essayé de remettre les choses dans l’ordre. Les réseaux, c’est une mosaïque, des petits éclats : chaque jour, je donne un morceau de mosaïque aux gens. Là, je voulais mettre les choses dans l’ordre pour montrer qu’il y a un fil rouge dans cette ville, qui se déploie à travers les siècles, une identité particulière, en mille morceaux, qui a donné un urbanisme en mille morceaux, qu’on a un rapport au pouvoir, au protocole très spécial, qui se reflète dans l’urbanisme, et que tout ça est lié à notre histoire… C’est une ville pour moi sans équivalent, avec des gros défauts et des grosses qualités.

Tu dis ne pas vouloir célébrer Bruxelles car trop de choses ne fonctionnent pas, mais tu reconnais que ton travail est une déclaration d’amour à cette ville. Ta démarche ne revient-elle pas à romantiser le chaos bruxellois, à le rendre drôle et sympathique, alors que les conséquences ne sont parfois pas drôles pour les gens qui y vivent ?

Ce que je fais, c’est que je célèbre l’absence de dogme dans cette ville. Prenons le contre-exemple parfait qui est Paris : Paris est la capitale d’un pays ultra-centralisé, le siège d’un pouvoir fort, et c’est une ville pour moi très autoritaire, très dogmatique – le résultat d’un duo dictatorial, Napoléon et Haussmann, qui a eu le pouvoir de tout foutre par terre et de tout reconstruire, et tu sens que personne n’a eu son mot à dire dans cette histoire. Tandis qu’à Bruxelles, c’est tout le contraire. Aucun pouvoir n’a pu imposer un grand projet, à part quelques exceptions. J’y vois un espace de liberté. Tu peux arriver dans cette ville et t’y trouver bien parce que tu ne dois pas te fondre dans un moule. Moi, quand je vais à Paris, j’essaie de devenir le plus parisien possible, je dis directement soixante-dix et j’adoucis mon « r » bruxellois. Le côté positif de Bruxelles, c’est qu’il n’y a pas de dogme. Ce n’est pas très exigeant, donc le résultat est plutôt moche, mais c’est un lieu où on peut faire un peu ce qu’on veut, le pire comme le meilleur. C’est cela que je célèbre. Est-ce que je romantise ? Probablement un peu. Je relie ça à Manneken-Pis, le personnage qui est l’incarnation du petit peuple qui se moque des puissants en les regardant pratiquement droit dans les yeux. C’est lié à l’Histoire de Bruxelles qui a été une ville sous l’emprise de nations, et même de familles, étrangères. Bruxelles a été le siège d’un très gros pouvoir, nord-européen, avec une population qui ne s’y sentait pas du tout connectée : « tiens, on a encore vu passer un Charles Quint ! ».

« Je célèbre l’absence de dogmes dans cette ville. »

Les petits qui se moquent des grands, des puissants : te vis-tu comme ça en tant qu’humoriste ? Un humoriste bruxellois et non un Bruxellois humoriste ?

Complètement ! il y a cet humour qu’on appelle la zwanze, qui est une sorte d’humour qui renverse l’ordre établi, aussi issu du surréalisme. C’est là que je suis l’anti-Stéphane Bern… même si je n’ai pas le niveau. Et à vrai dire, pour faire un spectacle drôle sur l’urbanisme, il faut Bruxelles je pense. Je ne pourrais pas faire ça sur Madrid. Paris n’est pas drôle non plus. La prochaine épreuve du feu sera de voir si je peux parler d’autre chose que de Bruxelles.

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Animatrice : pacemaker d’un home

Mon, 15/12/2025 - 15:09

crédits photos : Tanguy Cloetens

Kristel Wakim est animatrice à la maison de repos Adagio, à Berchem-Sainte-Agathe. Tous les jours elle met en place des activités pour stimuler et faire sourire les résidents. Dans un secteur où le personnel est souvent en sous-effectif et où certaines maisons disposent de moins de moyens, ces moments de convivialité prennent une importance capitale, alliant bien-être, mouvement et échanges sociaux.

Motiver sans imposer”, voilà le mantra de Kristel qui fait le tour des chambres. Chaque matin, elle passe chez Eline, Ludmilla ou Pierre dans l’espoir qu’ils se motivent à descendre pour l’activité physique du jour.

En plus de son rôle d’animatrice, Kristel joue un rôle social. Chacun de ses passages rime avec discussions. On lui parle du goût (douteux) du café, de visites de proches, de vêtements ainsi que du prochain goûter.
Et les crêpes, c’est pour quand ?”, demande l’un des résidents.
On en a fait la semaine passée”, rit Kristel. “Vous en voulez déjà encore ?”.

Ce lundi, Kristel est seule pour animer la journée, son collègue kiné est en congé. Le week-end il n’y a pas d’animations dans le home, faute de personnel.


Kristel et son stagiaire du jour, Aurélien, font le tour des chambres pour annoncer l’activité du matin.

Le tour des seniors se termine et il est temps de préparer l’activité du matin, une gym des bras. Kristel se rend vers la salle de matériel, suivie de très près par Yvonne qui, bien qu’elle soit en chaise roulante, aide quasi tous les jours à l’installation des activités.

L’activité peut commencer. Cinq résidents ont décidé d’y participer, tandis que d’autres sont simplement descendus pour s’occuper autrement. Kristel se réjouit de les voir descendre malgré tout. Pour elle, l’important est qu’ils sortent de leur chambre, qu’ils partagent un moment, même sans participer pleinement.

Bras en haut, bras en bas, bras en haut, bras en bas. 30 secondes de pause.  A peine les haltères distribuées que tout le monde s’exécute. Une musique pop entrainante, façon take on me, se mêle aux bruits de respirations qui accélèrent. Catherine, l’une des participantes, se démarque par sa motivation. Elle est tellement enthousiaste que Kristel lui demande de ralentir lors de ses mouvements.

Les haltères cèdent leur place aux élastiques. Il est temps de s’étirer. Kristel aide Yvonne qui ne peut utiliser qu’un seul de ses bras.

Kristel aide Yvonne qui ne peut utiliser qu’un seul bras

Les exercices terminés, place à un petit jeu. L’animatrice gonfle un ballon et l’envoie. D’un coup, l’atmosphère change, les visages s’éclairent, les rires éclatent. On tape avec les mains ou les pieds, peu importe, seul le plaisir compte. Yvonne, qui est sourde, est la plus expressive, ses yeux pétillent, suivant chaque mouvement de cette bulle d’air.

Après ce beau moment, il est temps de se reposer avant de manger. Kristel raccompagne Eliane dans sa chambre. Celle-ci a fait une chute il y a deux semaines. Elle réapprend doucement à marcher sans peur.

Kristel assiste Eliane qui a peur de marcher seule depuis sa chute d’il y a deux semaines.

Pour le choix des activités, Kristel prend le temps de sonder les résidents sur leurs envies, ajustant les exercices et les jeux en fonction de ce qui les motive vraiment.

Elle espère que le jeu de cet après-midi fera descendre plus de résidents que ce matin. Kristel le reconnaît, dans une maison de repos, sans activités à faire, on peut vite s’ennuyer ou se sentir seul.e. Malheureusement les personnes atteintes de démence ou de douleur participent peu aux animations.

Kristel n’a travaillé qu’ici, au centre Adagio. Elle sait que dans d’autres maisons de repos, plus grandes, il existe toute une équipe d’animation. Là-bas, les activités dépassent souvent les murs du home avec des sorties au cinéma ou encore des excursions à la mer.

Ici, c’est différent. “Oui, j’aurais aimé qu’on fasse des activités en dehors du home, mais ce n’est pas évident, explique Kristel. Il faut considérer l’envie, les capacités physiques et mentales des résidents, ainsi qu’un transport spécial pour eux.” Organiser de telles activités seule relève presque de l’impossible. Pour combler, elle organise souvent des tournois de pétanque, ou des petites activités au parc pour changer du quotidien du home. En dehors des animations, chacun est libre de sortir quand il le souhaite pour prendre l’air ou faire des courses. Malheureusement, par sécurité, les personnes démentes ne le peuvent.

Une odeur tomatée s’empare de la pièce, c’est l’heure de manger. Aujourd’hui, on mange des spaghettis. Kristel prend son assiette et s’isole pour manger. Quand on donne toute la journée, il est important d’avoir du temps pour soi. Mais à peine son assiette terminée qu’elle retourne dans la salle principale.

Une partie d’UNO s’improvise en attendant 14h. Elle anime même dans les heures creuses. Mais pour elle, ce n’est pas une corvée, elle y prend un réel plaisir. Ici on joue avec les règles des seniors. Un +2 sur un +4 sur un + 4 de nouveau sur un +2 et Yvonne doit maintenant piocher 12 cartes. Pierre plaisante : “Surveillez-la, elle va encore tricher !

Yvonne, sourde et muette ( ce qui ne l’empêche pas d’être très expressive) , gagne sa partie de UNO en attendant l’activité de l’après-midi

La salle se remplit, l’activité va pouvoir commencer. Les jeux de société attirent plus de monde que la gym. Sur demande d’un résident, Kristel sort le Trivial Pursuit.

Avant de lancer la partie, Kristel monte voir Geneviève, la doyenne de la maison. Sur le chemin, des puzzles accrochés aux murs, fruits des résidents d’hier et d’aujourd’hui. Un magnifique 1500 pièces dénote. Il représente les moulins des Pays-Bas, la tranquillité, la patience.

Geneviève a le nez dans son placard. Elle choisit soigneusement sa tenue. Malgré ses 96 ans, elle n’a pas perdu le goût du style. Ses cheveux ont blanchi mais ses vêtements refusent la grisaille. Elle descendra jouer, le temps de se préparer.

La doyenne du home, Geneviève, 96 ans, est invitée à jouer à un jeu de société.

Le premier dé est lancé, le pion avance, couleur bleu. Géographie : “Quel pays actuel portait le nom de Siam ?” Silence dans la pièce. Mais rapidement le niveau s’élève et les bonnes réponses s’enchaînent. Si bien que Constantin, qui n’était pas venu ce matin, gagne le premier camembert de la partie.

De l’autre côté de la table, on s’occupe autrement. Ludmilla écoute tranquillement des musiques de son temps. Selon Kristel, ces mélodies permettent de faire remonter des souvenirs, de raviver des émotions. C’est important de se remémorer, de penser. Cela stimule le cerveau.

D’autres jouent aux cartes en intervenant parfois dans le jeu. Comme ce matin, l’essentiel est d’être ensemble. Le café, lui aussi, a son importance. Kristel est multitâche : elle sert les tasses en connaissant par cœur les habitudes de chacun. Deux sucres pour Pierre, sans sucre ni lait pour Constantin.

Le Trivial Pursuit a trouvé son public. Les résidants ont un très bon niveau de culture générale.

La partie se termine en même temps que la journée de Kristel. Elle a aimé sa journée. Demain elle essaiera de faire mieux. De motiver plus de résidents pour qu’ils ne s’isolent pas. Grâce à des mots échangés, à des instants partagés, elle tentera de nouveau d’adoucir la souffrance de ceux qui peinent ou d’apporter un peu de lumière à ceux que la démence isole. C’est pour cela qu’elle fait ce métier qu’elle décrit comme une passion. Pour mettre des sourires sur le plus de lèvres possibles.

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Le super-pouvoir de la nudité

Sat, 13/12/2025 - 15:35
Immersion au Sassy Cabaret

© Anna Guay

Qui dit cabaret, dit danseuses, s’effeuillant progressivement devant un public qui n’en rate pas une miette. Piège patriarcal ou affirmation politique ? Au Sassy Cabaret, dont la charte prône l’hyper-inclusivité, on penche plutôt pour la deuxième option, mettant ainsi la nudité au service du fond et plus seulement de la forme.

Un weekend par mois, lors de leur résidence à l’Os à Moelle, le Sassy cabaret fait un bond dans le temps. A l’intérieur du plus vieux cabaret bruxellois, il fait sombre, les marches sont glissantes et les lumières tamisées. La salle, vintage, est rassurante. Tout ici transpire d’une passion pour l’art de la scène et le politiquement incorrect. Des tableaux d’archives sont suspendus aux murs, un vieil autoradio traîne dans un coin, des phrases de Gainsbourg donnent le ton. En coulisses, l’agencement est biscornu. La cuisine jouxte le bureau du directeur et, au bout d’un couloir mal éclairé, se trouvent les loges.

Le show commence dans deux heures, pourtant toutes les performeuses se préparent déjà. La pièce, toute en longueur, est surchargée de costumes fait main, de trousses de maquillage et même d’un vieux piano sur lequel sont posés des vinyles italiens. Un joyeux bordel. Les miroirs couvrent les murs. Chacune est à son poste, se passant tour à tour une pince à épiler, un fard à paupière, des strass.

Le rapport aux corps est détaché : on se maquille en soutif, on enfile son string et ses porte-jarretelles devant les autres…

Lili Mirez-Moi, la fondatrice du Sassy, ou MILF supérieure dans le jargon, est installée au fond de la pièce. Concentrée, elle s’efforce de maquiller son cou pour « cacher le double-menton qui apparaît sur toutes les photos ». A la fois maîtresse de cérémonie et performeuse, Lili Mirez-Moi sera souvent sous le feu des projecteurs, la plupart du temps dénudée. Autour d’elle, les chanteuses s’échauffent la voix, d’autres partagent des tutos eye-liner ou dansent.

Dépuceler l’audience

L’anticipation du show décuple l’énergie de la troupe. On chante des comédies musicales, on se taquine sur les régions natales respectives, on ne mâche pas ses mots sur le patriarcat. « Je ne suis pas misandre, j’ai un ami homme » , les rires fusent. Les pauses clopes divisent la préparation : maquillage, clope, coiffure, clope, habillage, dernière clope avant de monter de scène.

Pause clope 30 minutes avant le lever du rideau

Evita de Mee, stage kitten du soir (chargée de ramasser les vêtements sur scène entre les
numéros), raconte comment elle a impressionné les copains de sa fille en affonnant plus vite
qu’eux. Il faut dire qu’elle en impose Evita. Avec sa voix grave, ses presque 56 ans, la doyenne de la troupe a « démarré le cabaret au moment où les gens arrêtent, j’avais 45 ans ». Elle s’occupe de faire tourner l’ASBL, chante, s’effeuille et finira même en nu intégral lors du prochain spectacle. C’est elle aussi qui installe le public, leur propose des accessoires à vendre en rigolant. Avec Evita, l’ambiance cabaret commence bien avant le lever du rideau.
Très vite, elle se rend compte que ce soir-là, l’assemblée est « vierge ». La plupart du public va assister pour la première fois à une représentation de cabaret : « à l’attitude des gens, tu le vois, ils ne savent pas à quelle sauce ils vont être mangé ! Mais les plus stressés ça ne devrait pas être eux ! » glisse-t-elle avant de filer en coulisses.

Evita de Mee, la stage kitten du jour

Bientôt les lumières s’éteignent, le public se tient prêt à en prendre plein les yeux. Et les
papilles… Le thème du soir : la grande bouffe. Chaque numéro sera en lien avec la nourriture. Entre fantasmes, absurde et troubles du comportement alimentaire, le spectacle promet un savant mélange, utilisant la sensualité des performeuses pour évoquer un sujet de société.

Nues et culottées

La MILF supérieure du Sassy définit le cabaret bruxellois comme un « espace d’expression
scénique et artistique pour toutes les personnes qui, d’une certaine façon, ne se retrouvent pas
dans la norme, qui ont envie de critiquer la société. Historiquement, le cabaret a toujours été un espace de revendication, d’impertinence et de critique de la société. ». Cela annonce la couleur.
Le rideau se lève, les performeuses du soir apparaissent sur scène adoptant des positions
loufoques, de la nourriture plein la bouche, les mains. De la crème au chocolat est renversée
par terre, des bananes sont mangées, de la chantilly est léchée. La frontière entre érotisme et
bienséance est chahutée.

Premier numéro, Mado la Forge apparaît, tremblante

Les numéros s’enchainent, les vêtements tombent au sol, le public crie. Pole dance ou effeuillage burlesque, chaque fois on joue de la sensualité féminine. Les performeuses finissent leurs numéros en string et cache-tétons, filent se changer en coulisses pendant qu’Evita ramasse les vestiges d’un teasing teinté d’humour.
Ce positionnement sur la nourriture ne se suffit-il pas à lui-même ? Est-il nécessaire de finir à
moitié nue sur scène pour servir un propos politique ? La limite est très fine.
Cette volonté de susciter du désir, de se sentir belle, toutes les danseuses la recherchent au
départ. Les sous-vêtements sexy, la fumée, les porte-jarretelles noirs, les jeux de regard,
l’attente de la participation du public en criant, sifflant ou applaudissant, tout rend la
performance enivrante.

Lili Mirez-Moi, maitresse de cérémonie, taquine et chauffe le public

Mais cela ne s’arrête pas là. Les femmes sur scène se sont émancipées du regard que la
société pose sur leur corps. Quand Lili Mirez-Moi, les yeux pétillants, danse sur une chaise et
enlève un à un ses vêtements, au son de Maïté dégustant un Ortolan, la réflexion sur la nudité
va alors bien plus loin.
« S’est longtemps posée la question de si je me dénude ou si je joue de ma sensualité, de mon
corps sur scène, est-ce que finalement je ne fais pas le jeu du patriarcat ? Est-ce que je ne suis pas exactement là où le patriarcat m’attend ? » s’interroge Lili Mirez-Moi. « Oui mais non. Je n’ai pas un corps standard de danseuse. J’ai 41 ans, j’ai eu un enfant, mes seins sont redescendus clairement d’un étage, j’ai de l’endométriose donc il y a des moments où on dirait que je suis enceinte de 3 mois. A partir du moment où, dans une société qui estime que mon corps n’est pas sensuel et qui ne veut pas le voir, je décide de le mettre en scène et soit d’en rire, soit de l’érotiser, c’est une vraie prise de pouvoir et c’est politique » , explique-t-elle.

Les codes traditionnels de l’effeuillage contrastent avec l’habillage sonore : Maïté, Lio et son banana split…

Sur la scène, peu de corps nous renvoie à l’imaginaire du cabaret parisien, rempli de
mannequins-danseuses aux jambes interminables. Ici pas de french cancan, pas de plumes à
gogo mais une hyper-inclusivité dans la nudité, valeur maîtresse de la charte de l’ASBL. Pour le Sassy, la nudité sur scène permet de mettre en avant « des corps vieillissants, des corps gros, des corps non blancs, non binaires […] et dire que ces corps, ils méritent d’être vus. Et ils ont le droit d’être drôles, ridicules, mais aussi d’être sexy et sensuels. »
Lorsque le rideau se baisse et que les applaudissements éclatent, la bien-pensance s’est pris
un gros coup de sein. Et ça, ça fait du bien.

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La nage hivernale

Sat, 13/12/2025 - 12:28
Quand la chaleur humaine défie l’eau glacée 

Crédits photos: Romane Dechamps

​​​​A l’extérieur, l​​​​’eau​​ a beau être​​​​ ​​glaciale​​​​​​​, à l​’intérieur, ​​les cœurs​, eux, ​ bouillonnent. Depuis près d’un siècle, le Royal Cercle Theux Natation cultive un art rare : ​c​elui de la nage hivernale. ​​Transformer chaque frisson en moment de partage.  ​​Au camping de Polleur, ​​des​ dizaines de​ nageurs se réunissent tous les mercredis et dimanches ​pour transformer chaque frisson en moment de partage. ​​​​ 

Nous sommes en octobre, en plein ​​automne. Les feuilles orangées tapissent le sol, le temps est frais, à peine 13 degrés. Quand j’arrive au camping, il fait encore clair. Je découvre une piscine bordée d’un grand toboggan jaune pétant. Il est 18h30, un mercredi soir, le rendez-vous hebdomadaire du club, avec celui du dimanche matin. Malgré la ​​fraîcheur​​​​​​ ​​extérieure​​​​​​ j’aperçois déjà au loin du mouvement dans la piscine.  

Je m’approche du bassin. L’ambiance est conviviale : tout le monde semble se connaître. On se lance des blagues, on se tape sur l’épaule, on se fait la bise. À côté de la piscine, une enceinte diffuse une playlist tout droit sortie des années 80 : Born in the U.S.A., Betty Davis Eyes, I Want to Know What Love Is, With or Without You. La musique colle parfaitement à l’atmosphère vintage du camping un peu vieillot.  

Derrière la barrière, un petit chien attend calmement sa maîtresse, qui s’apprête à affronter le grand bain.

Déjà, la piscine s’illumine : de grands projecteurs font ressortir le bleu turquoise de l’eau. La nuit tombe peu à peu, le ciel se teinte de violet, et la forêt qui entoure le camping complète ce décor presque cinématographique. Le thermomètre affiche 12 degrés dans l’eau. En hiver, il peut descendre jusqu’à 2 pour les plus courageux.

Dans le vestiaire, chauffé bien sûr, les nageurs s’activent. Ils sortent, bigarrés de peignoirs et de bonnets : pingouin, fleuri, classique ou même casquette de capitaine. Une petite armée frissonnante prête à relever le défi. Le moment redouté approche : le grand plongeon. 

Sur le bord du bassin, les claquettes s’entassent. Certains hésitent, se mouillent la nuque, inspirent profondément. D’autres n’attendent pas : ils plongent en bombe, comme en plein mois d’août. Les premiers gestes sont toujours les mêmes : les visages se crispent, les bras se lèvent, puis viennent les grimaces et enfin les rires. Certains ne font que deux longueurs, d’autres tiennent dix minutes, riant avec leurs amis, comme s’ils avaient toujours fait ça.  

– Elle est bonne aujourd’hui !​​ s’écrie un nageur.  

Les plus téméraires grimpent les marches du toboggan et le dévalent comme des enfants. 

Ici, il n’y a pas d’âge : ados, retraités, parents et enfants partagent la même eau glacée. Les plus jeunes râlent sur la musique « ringarde » de l’époque de leurs parents. Qu’ils viennent depuis dix ans ou pour la première fois, Gus leur répète la même chose : 
— Il n’y a aucune obligation. Si tu ne le sens pas, tu ne plonges pas. 

Gus, c’est le maître-nageur.  Bonnet sur la tête, emmitouflé dans sa grosse veste verte fluo au logo du club, une banquise et trois pingouins, il garde un œil attentif sur tout le monde. 
— J’ai jamais dû intervenir pour une urgence, dit-il. 

Je lui demande pourquoi les gens aiment tant cette pratique un peu folle. 
— Le froid a beaucoup de bienfaits pour le corps et pour la santé mentale, ​m​’​​explique-t-il. C’est excellent pour les endorphines. 
— Mais on ne risque pas de tomber malade ? 
— Le froid, ce n’est pas ça qui rend malade, ce sont les microbes, répond-il. Toi aussi, tu devrais essayer !

Les nageurs ressortent de l’eau, lèvres bleues, peignoir serré. La plupart se dirigent vers les vestiaires, mais la soirée ne s’arrête pas là. Tous rejoignent une grande tente blanche installée à côté du bassin. 

Je pénètre à l’intérieur : la sensation de chaleur contraste avec l’extérieur. Un grand poêle à pellet réchauffe la pièce, qui n’est pas très grande. L’ambiance y est joyeuse et détendue. Les membres se regroupent autour des tables, un verre à la main, bien mérité après l’effort. À droite, une grande marmite de soupe maison fume, accompagnée d’étagères pleines de bols et de verres. Au-dessus, trône la mascotte du club : un pingouin coiffé d’un bonnet et d’une écharpe. À ses pieds, deux jeunes filles discutent, assises en tailleur sur le sol, enroulées dans leurs grosses écharpes : Armelle et Camille. Elles viennent ici depuis neuf ans. 

— Ce qu’on aime, c’est l’ambiance, dit Armelle. On fait des connaissances, c’est jovial. 
— Et puis après avoir nagé, on dort bien, ajoute Camille en rigolant. 

Quelques jours plus tard, je décide de revenir. Cette fois, c’est dimanche matin. Le soleil perce à travers la brume, et la même tente blanche bourdonne déjà d’activité. L’ambiance est différente, plus matinale, mais tout aussi festive. Les barmans ont troqué les bonnets pour des déguisements : le thème du jour, c’est Top Gun. Combinaisons vertes et lunettes d’aviateur, ils se sont tous prêtés au jeu. Chaque équipe de nageurs tient le bar à son tour.  

-C’est quoi l’occasion du déguisement ? 

On y sert de tout : café, bière, thé, coca. Dans un coin de la pièce, un grand tableau indique les horaires des équipes du bar, des informations sur les compétitions, et des magnets de dauphins, de chiens ou de naissances, comme sur un frigo dans une cuisine familiale. 

-Il y a pas de raison ! ​​C’est​​​​​​ pour le fun, certaines équipes mettent plus d’ambiance que ​​d’autres​​​​​​, me dit la barmaid.  

C’est bien l’atmosphère qui se dégage ici : joviale, familiale, sans prise de tête. Ici, tout le monde est le bienvenu, tout le monde est accepté dans la joie et la bonne humeur, à la bonne franquette. 

Au Royal Cercle Theux Natation, la convivialité est une tradition aussi ancienne que les plongeons dans l’eau froide. Ici, on rit, on partage, on brave le froid ensemble. Je repars en promettant de revenir, cette fois, pour tenter moi-même l’expérience de la nage hivernale. 

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Colleen Hoover : Pourquoi tant de haine ?

Fri, 12/12/2025 - 14:02

Crédit Photo : Leila Ajina Djemili

Colleen Hoover est aujourd’hui une figure incontournable de la romance et du New Adult, mais elle suscite la controverse sur les réseaux sociaux. Sur TikTok et Instagram, les hashtags #boycottcolleenhoover et les vidéos de destruction de ses livres se multiplient. Derrière cet acharnement, que reproche-t-on vraiment à l’autrice ?

Sur les réseaux sociaux, la violence des commentaires est devenue presque systématique. Des vidéos montrent des lecteurs déchirer, jeter violemment ou plonger ses livres dans l’eau, accompagnées de légendes humiliantes :

« Je rappelle que ce n’est pas une grande perte, c’est du Colleen Hoover » (TikTok, Elorya)

« Devoir déchirer des pages pour un devoir de français, mais pas grave, c’est Colleen Hoover » (#boycottcolleenhoover, TikTok, user_lcrt)

@puffy_peachy

♬ you have bewitched me body and soul – goldrvsh

Sur Instagram comme sur TikTok, Hoover fait face à de nombreuses critiques touchant sa personne, ses livres et leurs adaptations, avec des accusations et polémiques largement relayées en ligne depuis 2022.

Selon Anaïs, journaliste et créatrice littéraire pour Basilic Tropical, la perception d’une “personne problématique”, comme Colleen Hoover est accusée de l’être, dépend aujourd’hui autant des valeurs que l’on attend des figures culturelles que de la réaction des communautés en ligne. Elle explique : « Je vais considérer qu’une personne est problématique quand elle affiche des valeurs contraires à l’idée que je me fais de ce qui est bien. […] Ce qui va faire le plus polémique, ce n’est pas le propos ou le comportement de base d’un auteur, c’est la façon dont la personne va réagir quand d’autres vont pointer du doigt le problème.»

Dans le cas de Colleen Hoover, les accusations sont amplifiées par les réseaux sociaux, mais cela ne garantit pas qu’elles sont fondées.

L’origine d’une haine disproportionnée

L’acharnement contre Hoover, qui a vendu plus de 22 millions de livres en 2022 et a été nommée parmi les 100 personnes les plus influentes au monde par Time en 2023, puise ses racines dans une série de polémiques et accusations.

Dans l’une des rares déclarations directes de Colleen Hoover, publiée en novembre 2022 sur le groupe Facebook de ses fans (les « CoHorts »), elle reconnaît que son fils, alors âgé de 21 ans, aurait demandé à une adolescente de 16 ans des photos à caractère intime, avant d’affirmer qu’elle avait contacté la jeune fille, présentée des excuses et pris des mesures disciplinaires. Aucun élément indépendant avec des sources fiables ne permet toutefois de confirmer sa version, pas plus que les rumeurs exagérant cette histoire, selon lesquelles son fils serait un agresseur sexuel.

Mais l’acharnement contre Hoover dépasse largement cette affaire. Ses romans eux-mêmes sont au cœur des critiques. « Jamais Plus », inspiré de l’histoire de sa mère, est régulièrement accusé de romantiser la violence conjugale. L’autrice réfute pourtant cette interprétation : dans une interview pour Elle US (20 novembre 2025), elle explique qu’elle « ne changerait rien » au roman, puisqu’il retranscrit « une expérience vécue » et ne prétend pas représenter toutes les réalités des violences domestiques, même si, elle ne l’écrirait plus aujourd’hui « par crainte de la surexposition » .

Certaines scènes de ses autres œuvres alimentent aussi les controverses, comme dans « Ugly Love » , où un passage avec une blague de mauvais goût est jugé par de nombreux lecteurs comme inapproprié, certains allant même jusqu’à l’interpréter comme une sexualisation déplacée d’un nourrisson : « We both laugh at our son’s big balls » (En français : « On rigole tous les deux des grosses couilles de notre fils » ). Ce type d’humour est jugé problématique par de nombreux lecteurs.

À cela s’ajoutent des campagnes marketing maladroites, notamment un cahier de coloriage inspiré de « Jamais Plus », ainsi que, d’après le Daily Mail UK Lifestyle (mars 2024), une collection de faux ongles et de vernis à ongles assortis, qui ont renforcé la perception d’une autrice déconnectée de la gravité de ses thèmes, même si le cahier a été retiré des ventes seulement quelques heures après sa mise en ligne.

Plus récemment, le film « Jamais Plus » a relancé les critiques. Hoover, qui n’a été que brièvement présente sur le tournage en tant que productrice exécutive, assure avoir été « complètement ignorante » des tensions ayant conduit aux accusations de harcèlement sexuel visant Justin Baldoni. Elle dit aujourd’hui trouver « triste et regrettable » l’ampleur du scandale, précisant qu’elle évite désormais d’en parler pour « ne pas alimenter le cirque médiatique » . Elle confie même avoir du mal à recommander son propre livre, tant la controverse a fini par « l’écraser » .

Pour plusieurs créateurs de contenus, cette escalade s’explique surtout par la dynamique des réseaux sociaux. Comme l’observe Shades Of Rebecca, bookstagrammeuse aux 60 000 abonnés, « beaucoup de posts diffusent des informations fausses sans vérification ; les petites controverses deviennent énormes, car elles génèrent du clic » . Dans un contexte où aucune enquête journalistique solide n’existe, les rumeurs prospèrent plus vite que les faits.

Célia, lectrice sur BookTok, témoigne de l’effet de cette dynamique sur les fans de Colleen : « Quand j’ai fait ma vidéo (qui s’adressait aux haters de CoHo), je ne m’attendais pas à autant de haine. Les gens disent qu’il faut boycotter ses livres, mais je ne sais pas sur quels arguments ils se basent. Oui, la haine contre cette autrice est disproportionnée. J’ai cherché sur Internet, il n’y a aucun article sérieux parlant de Colleen Hoover. Les gens croient ce qu’ils voient sur les réseaux. Certains commentaires m’ont beaucoup atteint, les gens sont vraiment durs alors qu’ils ont juste à passer leur chemin. Mais dans un sens, ça me pousse à en lire encore plus, histoire de ne pas me laisser abattre » .

“Du bad buzz reste du buzz”

Malgré les critiques et la haine sur les réseaux, Colleen Hoover reste extrêmement populaire, au point d’avoir quatre films en cours de diffusion au cinéma entre 2024 et 2026. Comme le mentionne la libraire de Sweets and Books, même le bad buzz entretient la visibilité de l’autrice et alimente l’algorithme. Et plus on en parle, plus ses livres se vendent, et de nombreux studios l’ont bien compris. Comme en témoignent les films « Jamais Plus « (Sony Pictures, 2024), « Regretting You » (Constantin Film / Heartbones Entertainment / Paramount, 2025), « Reminders of Him » (Universal Pictures, prévu pour mars 2026) et « Verity » (Amazon MGM Studios, prévu pour octobre 2026).

Hoover a elle-même tenté de s’impliquer dans cinq adaptations de ses livres, mais elle a finalement vendu leurs droits dont ceux de « Regretting You » et « Verity » à d’autres studios, sans comprendre que ces livres ne lui reviendraient jamais, un choix qu’elle qualifie de « 100 % sa faute » et qui l’a poussée à ne plus vendre de droits à l’avenir. Aujourd’hui, chaque adaptation est gérée par un studio différent, même si Hoover possède sa propre société Heartbones Entertainment. L’industrie mise donc sur une fanbase internationale solide, des adaptations rentables, une image de romance dramatique facile à marketer et le succès viral (bon et mauvais) sur TikTok, garantissant un public jeune et actif.

Faustine, ancienne fan de CoHo, commente : « Certains de ses films présentent des sujets lourds comme des rom-coms. C’est problématique, mais d’un point de vue business, c’est logique » .

Mais Célia, lectrice sur BookTok et CoHort, contre-attaque : « Les adaptations au cinéma permettent d’élargir la sensibilisation à des sujets sensibles à un autre public. Tout le monde ne lit pas. Cela permet de montrer l’histoire du roman sous un autre angle, chose positive à mon avis » .

Entre soutien de l’industrie et fidélité des fans

Si les critiques sont nombreuses, Hoover bénéficie aussi d’un soutien important, tant du côté des professionnels que de certains lecteurs. Dans l’industrie du livre, plusieurs autrices de romance à succès, comme Anna Todd (After) et E. L. James (Cinquante nuances de Grey), ont exprimé publiquement leur soutien à Hoover. Anna Todd est même allée plus loin en participant à la production de l’adaptation de « Regretting You » via son studio Frayed Pages, signe d’une réelle complicité professionnelle et artistique.

À l’inverse, certains auteurs et créateurs de contenus littéraires se montrent ouvertement critiques. L’auteur et influenceur français Polat Gokay a notamment publié une vidéo TikTok virale dans laquelle il hésite à toucher « À tout jamais », la suite de « Jamais Plus », accompagnée de la légende : « Je n’ose même pas toucher le livre« , suivi d’un cri sonore dès que sa main s’en approche. Une mise en scène qui illustre le rejet assumé d’une partie du milieu littéraire.

Malgré ces tensions, une communauté de lectrices et lecteurs reste profondément fidèle à Colleen Hoover : les CoHorts. Rym, fan depuis dix ans, explique qu’elle apprécie le style narratif unique, les intrigues surprenantes et la force émotionnelle de ces histoires, et qu’elle sépare l’autrice de sa personne : « J’ai remarqué des discours haineux après le scandale autour du film Jamais Plus, mais ce qui s’est passé entre les acteurs n’est pas sa faute. Elle est seulement responsable de l’histoire, pas du drame autour du film » . Elle continue de lire ses romans pour les émotions qu’ils transmettent, illustrant ainsi l’existence d’une communauté de fans réfléchie et loyale, capable de soutenir l’œuvre malgré les polémiques.

Mais au-delà du soutien des fans et des professionnels, il est utile de rappeler que les plus récents romans de Colleen Hoover relèvent plutôt du New Adult, un genre destiné aux jeunes adultes de 18 à 30 ans et abordant des thèmes plus matures comme la violence, le deuil ou la sexualité graphique. Comme le souligne Imane, libraire chez Sweets and Books : « Ses premiers livres pouvaient être considérés Young Adult, mais les récents relèvent plutôt du New Adult. Certains sujets ne sont pas adaptés aux jeunes adolescents et certains clients peuvent être réticents à acheter un livre d’une autrice perçue comme problématique, même si ses romans sont très populaires sur les réseaux » .

Controversée mais incontournable

Colleen Hoover illustre un paradoxe : haine virale et succès commercial vont de pair. Les bad buzz alimentent sa notoriété, mais ne freinent ni ses publications ni ses adaptations cinématographiques.

L’autrice tente de reprendre la main sur le narratif qui l’entoure sur les réseaux grâce à sa plume. Son prochain roman, « Woman Down » (prévu pour janvier 2026), s’inspire de sa propre expérience : après le scandale autour d’une adaptation cinématographique, son personnage Petra Rose est attaquée sur Internet, ruinée et accusée de chercher seulement la gloire. Son roman reste bloqué, ses économies fondent… Mais le récit promet une réponse créative aux controverses passées.

Hoover reste lucide sur sa propre popularité dans la dernière interview qu’elle a donnée pour le magazine Elle (novembre 2025) : «  Je suis complètement d’accord », explique-t-elle à propos de ceux qui la trouvent surestimée. « Je me suis lancée dans cette carrière un peu par accident. Et aussi grand que ça soit devenu, je n’ai jamais vraiment fait d’effort pour y arriver. Je ne comprends pas, j’ai lu mes livres. Je ne suis pas une écrivaine littéraire sophistiquée. J’écris juste des livres amusants, faciles à lire » .

Elle se montre également philosophe face aux critiques : « Ils n’aiment pas mon travail ? Beaucoup de gens ne l’aiment pas. Je n’ai jamais cherché à impressionner qui que ce soit avec mon écriture. Et les personnes qui critiquent ce type d’écriture, pourraient-elles écrire un meilleur livre ? Probablement. L’ont-elles fait ? Probablement pas » .

Pourtant, la célébrité a ses inconvénients : l’intrusion dans sa vie privée, les rumeurs absurdes, et la pression sur ses enfants. « Les gens peuvent gagner leur vie avec des vidéos négatives qui obtiennent beaucoup de vues » , confie Hoover, qui reste toutefois reconnaissante envers BookTok pour sa carrière.

Qu’on l’adore ou qu’on la déteste, Colleen Hoover reste une autrice dont l’influence culturelle et médiatique est impossible à ignorer. Entre fans loyaux, voix nuancées de lecteurs et critiques virales, elle continue de marquer le monde de la romance New Adult et du 7ème art romantique, pour le meilleur et pour le pire.

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Ukraine : Quels sont les territoires sacrifiés par le plan de partage américain ?

Fri, 12/12/2025 - 11:42

CC : Mykhailo Palinchak

Le plan de partage américain sur l’Ukraine, qui fait actuellement l’objet d’intense tractations diplomatiques, pourrait faire perdre au pays de larges pans de son territoire. Les régions stratégiques de Kherson, Zaporijia et le Donbass sont au coeur de ces négociations. Explications.

Depuis l’invasion russe en février 2022, l’Ukraine est engagée dans un conflit prolongé avec la Russie, qui se traduit par des combats à grande échelle le long d’une ligne de  front étendue et mouvante. À l’hiver 2025, la guerre se poursuit sur plusieurs axes, avec des affrontements intenses dans l’est et le sud du pays. Des régions comme Kherson, Zaporijia et le Donbass continuent de concentrer l’attention des forces ukrainiennes et russes. Ces régions restent des zones stratégiques majeures, et leur contrôle a des répercussions directes sur les capacités militaires, logistiques et politiques des deux camps.

Le front est marqué par des affrontements fréquents et de haute intensité, notamment autour de zones urbaines et de nœuds logistiques essentiels, où les deux armées cherchent à consolider leurs positions. Les attaques, notamment par missiles et drones, touchent non seulement les lignes de combat, mais aussi des infrastructures civiles, entraînant de vastes coupures d’électricité, des dommages aux réseaux énergétiques et des difficultés accrues pour la population en plein hiver. Les forces ukrainiennes tentent de tenir des lignes clés, malgré des pertes humaines et matérielles importantes. 
C’est dans ce contexte que surviennent les négociations en vue d’un cessez-le-feu et le plan de partage américain. Kiev a récemment présenté une version actualisée de son plan à Washington, soulignant sa volonté d’équilibrer la fin des combats avec ses intérêts souverains. 
Alors que les discussions se déroulent sur plusieurs fronts diplomatiques, la réalité sur le terrain reste celle d’un conflit actif. Les combats se poursuivent, les lignes de front évoluent lentement, mais restent le théâtre d’affrontements quotidien. Enfin, les conséquences humanitaires pour la population ukrainienne sont lourdes. 
Les régions stratégiques de Kherson, Zaporijia et le Donbass demeurent au centre de ces dynamiques, leur statut futur étant l’un des enjeux cruciaux des négociations en cours. 

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Friteries belges : la TVA augmente, la frite trinque

Tue, 09/12/2025 - 14:26

Fin novembre, le gouvernement fédéral a bouclé un accord budgétaire qui va changer la donne pour l’horeca. La TVA sur les plats à emporter et la livraison passera en effet de 6% à 12% dès 2026. Pour les friteries, sandwicheries et restos combinant salle et take-away, cela se risque de se ressentir dans l’addition…
Leila Ajina Djemili et Camille Kalut sont allées à la rencontre d’une friturière de Louvain-la-Neuve et de ses clients : entre inquiétude et résignation, la frite belge pourrait bientôt coûter un peu plus cher.

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6 heures de smartphone par jour

Mon, 08/12/2025 - 16:20
Le temps d’écran des jeunes explose

6 heures. C’est le temps moyen que les jeunes de 15-25 ans passeraient chaque jour sur leurs écrans, selon une étude de Sciensano. Sur un an, ça fait presque 100 jours complets, le regard collé à un écran, que ce soit l’écran du smartphone, d’un ordinateur ou d’une tablette. Des chiffres inquiétants, et souvent sous-estimés par les usagers.

Quand on demande aux jeunes combien de temps ils passent sur l’écran de leur smartphone (et uniquement sur cet écran-là), ils répondent généralement 2 à 3 heures par jour. Pourtant, les données enregistrées sur leurs appareils racontent une tout autre histoire : 7, 8, parfois même 10 heures quotidiennes. Le décalage entre le temps perçu et le temps réel passé sur les écrans est donc considérable. Comme on peut le voir dans le reportage.

Des impacts bien réels sur la vie de tous les jours

Les études montrent que cet usage massif a des effets sur la concentration, le sommeil ou encore le stress. Elise Braekman, autrice de l’enquête intitulée « Utilisation de l’écran » de Sciensano, explique que les jeunes Belges sont particulièrement accros aux écrans, plus encore que dans les pays voisins. Et la tendance ne fait qu’augmenter.

Elise Braekman estime que le problème n’est pas seulement lié à la quantité de temps passée sur les écrans, mais aussi au rapport entretenu aux écrans. Pour elle, de nombreux jeunes glissent vers un usage problématique : ne pas savoir décrocher, devenir irritable, manquer des sorties juste pour rester sur les écrans… Quand ces comportements se manifestent, le smartphone n’est plus un outil, il devient une addiction.

Smartphone à l’école : un outil et une distraction

Qu’en est-il de l’usage des écrans à l’école ? Dans l’enseignement secondaire, c’est le flou artistique : certains profs confisquent, d’autres tolèrent, les règles fluctuent.

Dans le supérieur, par contre, impossible d’interdire : le smartphone est devenu un véritable outil de travail. Notes, agenda, plateformes de cours, recherches rapides… tout passe par là. Sauf que ces usages vont de pair avec la tentation constante de scroller sur Instagram, TikTok ou d’autres réseaux.

Quand on demande aux étudiants ce qu’ils pensent de leur smartphone, la réponse est quasi toujours la même : indispensable, mais il sabote la concentration. « Ça m’aide à bosser, mais je finis toujours par scroller », confirme Antoine, étudiant de 23 ans.

Reprendre le contrôle

Au fond, reprendre le contrôle de notre temps d’écran ne passe pas par une révolution, mais par quelques gestes simples que chacun peut adapter à son rythme. Réduire les interruptions en coupant une partie des notifications, par exemple, permet déjà de retrouver de vraies plages de concentration. Fixer des limites d’usage aide aussi à prendre conscience du temps qui file. Et même transformer son téléphone en noir et blanc peut suffire à casser le réflexe du scroll automatique. Trois pistes parmi d’autres, qui rappellent surtout une chose : nos smartphones ne sont pas condamnés à gouverner nos journées. C’est à nous de redessiner la place que nous voulons leur laisser.

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Le premier pas vers l’asile

Mon, 08/12/2025 - 15:09
À Bruxelles, l’association étudiante LSWR offre un soutien juridique aux demandeurs d’asile

Crédits photos : Maëlenn Nédélec

Fondée en 2015 à la suite de la crise syrienne, Law Students With Refugees (LSWR) est une association étudiante qui offre un soutien juridique, administratif et humain aux demandeurs d’asile. Deux fois par semaine, ces bénévoles assurent une permanence juridique de première ligne devant les portes de l’Office des étrangers, pour informer les demandeurs sur leurs droits et leurs démarches. 

6h19

Une trentaine de personnes patientent déjà devant l’Office des étrangers. Certains dorment, recroquevillés dans des plaids ; d’autres fixent le vide. Une femme, avec deux enfants en bas âge, rejoint une adolescente endormie sur le trottoir. Ils sont quatre pourune valise. Elle détourne le regard quand j’approche, refusant poliment de parler de sa situation. 

6h24

Devant l’Office, les files révèlent des frontières invisibles : une affiche aux couleurs du drapeau de l’Ukraine indique clairement aux personnes concernées de se placer à gauche. À droite, sans explication claire, s’entassent les  »autres » demandeurs d’asile. Leur file est elle-même scindée : hommes seuls d’un côté ; familles, femmes, personnes handicapées et MENA (Mineurs Étrangers Non Accompagnés), de l’autre. Des agents veillent au maintien strict de cette organisation.

Pourquoi cette distinction entre les Ukrainiens et les « autres » ? Les Ukrainiens bénéficient de la protection temporaire activée par le Conseil de l’Union européenne en raison du conflit armé dans leur pays, qui leur donne accès après leur enregistrement à des droits : titre de séjour, accès au marché du travail, aux soins de santé, aux allocations familiales et à des revenus. 

À ce sujet, Célina, étudiante en Master 2 de droit et co-responsable de la permanence depuis un an, raconte: “Lors de la dernière permanence, j’ai dû négocier avec les vigiles pour faire passer une famille palestinienne en priorité. Leur enfant, en chaise roulante, après avoir survécu à des bombardements, pleurait de douleur dans la file ».

6h35

Les portes n’ouvrent qu’à 7h15. C’est alors qu’arrivent les étudiants, vêtus de leurs K-ways orange distinctifs. Leur travail commence immédiatement : ils se répartissent en binômes linguistiques. Chaque duo explique, fiche à l’appui, les étapes de la procédure d’asile (enregistrement, entretien, recours) et oriente vers les services essentiels : douche, soins médicaux, hubs humanitaires. Leur fiche, traduite en plusieurs langues, vise à rendre l’administration moins obscure. 

Pourtant, expliquer ne s’improvise pas. « Le droit des étrangers est une simple option à l’université, alors LSWR comble ce vide » , explique Célina. C’est pourquoi l’association organise des formations, parfois avec des avocats, pour préparer ses membres. 

6h45

Une jeune femme, seule, semble perdue. Impossible d’imaginer ce que cela fait d’être dans un pays inconnu, sans maîtrise de la langue , face à une administration opaque.  

Célina s’approche d’elle et lui explique, avec une douceur ferme : « Lors de votre enregistrement, ils vont devoir faire une radiographie pulmonaire ici, à l’Office. Il vous faudra lever votre tee-shirt pour qu’ils puissent vous examiner. C’est une procédure officielle, donc vous ne devez pas vous en méfier. Je vous avertis aussi de ne surtout pas signer de documents que vous ne comprenez pas. Si un mot ou une phrase vous échappe, ne signez pas ». C’est là que le rôle des étudiants prend ici tout son sens : expliquer, rassurer et traduire, même dans l’inconfort.  

Célina précise que la radiographie sert à établir l’état de santé, mais la présence d’un médecin n’est pas confirmée par l’Office. Seul un document de l’Ordre des médecins (2008) évoque des techniciens ou infirmiers. Mais, face aux portes closes du bâtiment, la pratique reste floue.  

Par ailleurs, certains étudiants avouent leur frustration face à la fragilité du système : « On se sent impuissants quand on doit leur dire qu’ils n’ont accès aux toilettes qu’une fois qu’ils sont dans l’Office ». Cette réalité brutale, au cœur de la capitale européenne, les révolte autant qu’elle renforce leur engagement. 

7h06

Trois vigiles ordonnent aux personnes qui débordent de la file de reculer, rappelant avec virulence la proximité de la piste cyclable. Comment respecter les limites spatiales quand le trottoir est saturé par une centaine de personnes en attente depuis plusieurs heures ?  

7h15

Les portes s’ouvrent. Les hommes entrent d’abord, puis les familles. Les vigiles régulent le flux avec une précision militaire. 

7h20

Malgré la diversité linguistique des étudiants, Google Traduction devient nécessaire. Une scène révélatrice de la complexité des échanges et de l’importance de la technologie, devenue un pont fragile entre des mondes qui, sans elle, ne se comprendraient pas.  

7h25

Abdellatif, étudiant en Master 2 de droit et co-responsable de la permanence depuis 1 an, confie sa frustration quant au temps imparti pour chaque entretien. « Avec seulement une heure, nous n’avons pas le luxe de questionner ou d’approfondir nos explications. C’est une vraie frustration, surtout pour un bavard comme moi » , avoue-t-il avec un sourire.  

Malgré tout, certains demandeurs évoquent d’eux-mêmes leur situation, comme cette dame consciente d’être en « situation Dublin » , risquant un renvoi vers le pays européen responsable de son dossier selon des critères hiérarchisés (première demande, visa, empreintes, famille…). 

7h36

Un étudiant m’interpelle : la permanence est terminée. Déjà. 

Les K-ways disparaissent. Le débriefing a lieu sur le trottoir d’en face, au lever du soleil.  

Un constat émerge : certains demandeurs sont illettrés et n’ont pas pu comprendre les documents. Il faut créer de nouvelles fiches, avec des pictogrammes et des explications simplifiées. L’accès à l’information est un droit fondamental, même pour ceux qui ne savent pas lire. 

Après l’enregistrement à l’Office, le pôle « récit de vie » prend le relais. Il aide les demandeurs à structurer leur histoire pour l’entretien au CGRA (Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides), un soutien crucial aussi pour les avocats. 

Ainsi, des trottoirs de l’Office aux salles d’entretien, les étudiants accompagnent, pas à pas, ceux qui doivent affronter seuls un parcours semé d’embûches. 

8h22

Je quitte les lieux. Des traces de l’attente subsistent : gobelets, emballages, papiers. Comme si une journée entière s’était écoulée, alors qu’il n’est que 8h30. Mais peut-être que, pour certains, la journée a effectivement commencé depuis plus longtemps.

Fin. Pour eux, pas pour moi

Les héros ne portent pas de cape, mais des K-ways orange. Dans le froid de Bruxelles, ils incarnent une justice qui commence simplement par une présence humaine. 

L’engagement de LSWR continue aussi en ligne. Sur Instagram, Facebook ou TikTok, l’association partage ses actions : collectes, événements solidaires, ou l’Action d’hiver, lancée en novembre pour distribuer des kits d’hygiène et de la nourriture. 

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Puéricultrice : le couteau suisse de l’enseignement 

Mon, 08/12/2025 - 12:29
 

Crédits photos : Julien Gillet

Une part d’enseignante mixée avec une part d’éducatrice et un soupçon d’infirmière, c’est la description parfaite du métier de puéricultrice. Depuis 28 ans, Madame Anne accompagne les plus petits dans une école du quartier des Vennes à Liège. Mais quels sont les bénéfices d’avoir ce corps de métier présent dans les écoles ? 

Comme chaque jour, la puéricultrice de 60 ans, énergique et au regard doux, armée de son sweat gris, arrive à 7 heures 30 pile dans son école du quartier des Vennes à Liège. Derrière les briques rouges et la porte bleu ciel, sa classe l’attend : petites tables ​​rectangulaires​​​​​​, chaises colorées et coin tapis avec des bancs pour chaque enfant. Avant l’arrivée des petits, elle prépare la salle, installe les jouets, dispose les chaises, tout a son importance pour une journée enrichissante.  

Madame Anne profite du silence en sirotant son premier café de la journée. Dans une demi-heure, la quiétude sera remplacée par les cris, les rires ou les pleurs de ses élèves. ​« Il faut profiter du calme avant la tempête »​​​,​​ plaisante-t-elle.  

À 8 heures 30, les premières têtes apparaissent, manteaux colorés et cartables avec des dinosaures ou des princesses. Certains se précipitent vers les jeux disposés sur les tables. Pour l’un d’entre eux, la séparation avec son papa était plus difficile. «​ Il a commencé lundi, c’est tout à fait normal »​​​.​​​​ ​​La puéricultrice​​​​​​ se dirige naturellement vers lui pour le réconforter. Un petit câlin, une chanson, un moment seul à l’écart du groupe qui permet à l’enfant de s’apaiser pour ensuite commencer sa journée avec ses copains.  

Les élèves quittent leurs parents apaisé et en pleine confiance.

​​Une fois la classe réunie, l’heure est venue d’apprendre en jouant : de la psychomotricité fine, des puzzles, des jeux de construction, de la lecture et des activités de développement. Madame Anne et sa collègue institutrice, Marie-Ange​,​ se complètent. L’institutrice fait un atelier basé sur les chiffres et Madame Anne sur le langage où elle fait répéter le nom de fruits à ses petits élèves. ​« On essaye de faire des liens avec ce qu’ils vivent au quotidien ».​​ 

Après son atelier, la puéricultrice voyage de table en table, elle corrige, réexplique les jeux, encourage les timides pour qu’ils soient à l’aise et confiants, félicite à coup de bravo ceux qui réussissent et n’hésite pas à réprimander les turbulents.  

Les enfants se familiarisent avec la lecture dès le plus jeune âge.

À la suite d’une heure quart d’amusement et d’apprentissage, les petits mettent la main à la pâte. Tout le monde doit participer à la mise en ordre de la classe avec sous l’encadrement des adultes. Sur chaque boîte, une photo des jeux est là pour faciliter l’organisation. «​ Le rangement est aussi un apprentissage en soi »​, rappelle-t-elle.  

Après ce petit effort, direction le coin tapis. Les enfants s’apprêtent à chanter « bonjour tout va bien », à faire le journalier et le semainier. Une activité dirigée par l’institutrice, mais pas question de se tourner les pouces. Madame Anne est toujours aux aguets en cas de problème et est toujours prête à seconder sa collègue en cas de besoins. Justement, un des enfants a des besoins spécifiques. Comme il a du mal à rester assis, la puéricultrice le prend dans ses bras, lui caresse les cheveux pour que le moment lui soit quand même bénéfique.  


Un peu de tendresse dans ce moment d’angoisse.

Passé le coin tapis, les enfants se dirigent dans le couloir pour aller chercher leur mallette pour laisser place à la collation. Les enfants épluchent leurs fruits ou déballent les emballages pour développer leur autonomie. Pendant que certains terminent leur collation, d’autres passent aux toilettes, certains doivent changer de lange​s​, souvent deux par deux. L’eau du robinet coule, l’odeur du désinfectant envahit la pièce, deux trois rires fusent et grâce à des encouragements, elle les initie à l’hygiène et aux bons gestes à faire. Une fois les mains lavées, la puéricultrice accompagne les enfants qui ont déjà remis leur mallette pour l’enfilage du manteau avec plus ou moins de réussite pour certains, ils peuvent partir en récréation. ​« L’aide que l’on apporte aux enfants n’est pas pour faire à leur place mais favoriser l’apprentissage à l’autonomie​​​​​​»​​,​ dit Madame Anne. C’est à ce moment qu’elle peut souffler un peu, le temps d’un café sucré.  

Chaque étape est une victoire en soi.

Après la pause au grand air, la journée peut reprendre. Les autres jours, ce sont des ateliers ou des jeux libres. Mais le vendredi, direction la salle de gym pour une séance de psychomotricité avec Madame Marie-Lorraine. Sous le thème d’Halloween, la psychomotricienne a préparé un petit parcours d’obstacles, certains enfants hésitent à monter les espaliers ou à sauter depuis un petit bloc. La puéricultrice accourt donc auprès d’eux pour les guider, les encourager et les féliciter. Elle assiste aussi ceux qui doivent se moucher, partir aux toilettes ou être consolé d’une chute. À la fin de leur séance, elle reprend la routine du changement de lange​s​ avant le dîner.  

Lors du repas de midi, la classe se transforme en réfectoire pour les enfants. Les tables sont couvertes d’assiettes pour les uns et de boîtes à tartines pour les autres. Madame Anne passe de table en table pour amener les assiettes de pâtes chaudes. Certains peinent encore à manger seuls, elle donne donc la cuillère à ceux qui en ont besoin ou guide leurs gestes. ​« On apprend aussi en mangeant »​​​,​​​ ​dit-elle avec un sourire. Quand les assiettes sont vides, les ventres remplis et les mains lavées, la classe retrouve son calme.  

Vient le moment de la sieste. Chaque enfant retrouve son lit, son coussin et son doudou, à son nom. La puéricultrice borde chacun, allume une guirlande pour avoir une lumière tamisée et met une musique douce pour calmer les esprits. Elle passe entre les lits, s’assied près d’un enfant qui peine à dormir mais n’hésite pas à recadrer ceux qui empêchent les autres de se reposer. Une fois le calme revenu, elle peut enfin prendre sa pause de midi et préparer des activités pendant cette période.  

​​Après la sieste, elle réveille les enfants progressivement, les change si besoin et les emmène en classe pour les dernières activités. Avant de retourner à la maison, on chante une chanson d’au revoir et on lit l’histoire de la grenouille à grande bouche. Les enfants enfilent leur manteau et attendent patiemment dans le couloir. Vers 15 heures 15, les parents arrivent, c’est là que la puéricultrice accompagne chaque enfant à la porte. Un regard complice, un câlin, un signe de la main. Toutes ces petites choses qui rappellent à Madame Anne pourquoi elle continue de faire ce métier. Une journée banale pour celle qui considère son travail comme ​« une fontaine de jouvence ». ​​ 

Le moment des au revoir est l’occasion de finir la journée sur un câlin et une note positive.

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Panorama du Congo : ce que l’image ne montre pas

Mon, 08/12/2025 - 12:03
Déconstruire une œuvre de propagande au cœur de l’histoire coloniale belge

Photo : Shurouq Mussran

Le Panorama du Congo — immense fresque créée en 1913 pour magnifier la colonisation belge — est aujourd’hui réexposé pour en révéler les angles morts. Derrière l’image spectaculaire, l’exposition met à nu les mécanismes de la propagande : ce qui est montré, ce qui est déplacé… et surtout ce qui est effacé.

Charlotte Simon et Maxime Copienne ont interviewé Julien Truddaïu, membre de Bruxelles Laïque. Il a notamment travaillé sur une exposition autour de la propagande coloniale. Au travers de ce podcast, ils retracent comment cette œuvre a construit une vision falsifiée du Congo belge et pourquoi il est essentiel de la déconstruire aujourd’hui.

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Derrière les champs : la montagne de paperasse qui pèse sur les agriculteurs wallons

Sat, 06/12/2025 - 15:27
En Wallonie, les agriculteurs sont à la croisée des chemins.

Florent Cerise

Entre les nouvelles normes climatiques, transition vers le bio et paperasse toujours plus lourde, beaucoup peinent à garder la tête hors de l’eau.La région parle de soutenir la durabilité du modèle agricole, mais sur le terrain, la réalité est tout autre.  

À Vedrin, en périphérie namuroise, c’est en troquant ses bottes et son tracteur pour ses chaussons et sa chaise de bureau que Christian Lavoix incarne cette réalité. Je l’ai suivi deux jours, au rythme de ses bêtes, de ses cultures et de sa paperasse. 

En début d’après-midi, je rejoins Christian. Il m’accueille à son domicile, tout ce qu’on peut imaginer lorsque l’on pense à une maison de fermier. Une bâtisse en face de la ferme cernée par les prairies. Christian, est âgé d’une quarantaine d’années, il a le dos courbé vers l’avant et se déplace lentement dégageant une bienveillance et une lassitude forgée à travers ses défis du quotidien. Il me fait patienter dans le hall durant une dizaine de minutes, il est au téléphone avec son vétérinaire au sujet des vaccins. « Ceux-là il faut encore les faire ?! ». Dit-il en fronçant les sourcils. Une fois l’appel terminé, il met son téléphone dans la poche de sa chemise à carreaux et me salue.  

La ferme Lavoix, dont Christian représente la troisième génération.

Christian m’explique fièrement s’occuper de 140 Blancs Bleus Belges, un troupeau réparti dans ses 27 ha de prairies et une centaine de poules pondeuses bio qui profitent de 1,5ha pour gambader. Sa principale activité est la culture : 12 ha en bio, 87,5 en conventionnel. Ses yeux se ternissent quand il me parle de paperasse. « Les papiers, il y en a trop et il y en aura toujours plus », dit-il sur un ton mi-amusé, mi-lassé. Une lassitude quotidienne subie par une majorité d’agriculteurs. 

Nous arrivons à l’étable après trois minutes de voiture. Le livreur de mazout est déjà sur place. Il remplit la cuve de Christian avec laquelle il approvisionne ses tracteurs. Son chien, Zoé, est à l’affût de ce visiteur étranger. « Elle n’est pas méchante ! », me rassure son maître. Une fois le plein terminé, Christian me montre un piège à rats. « Des papiers en plus, je dois indiquer quand je remets du poison », m’indique-t-il pour illustrer son propos de tout à l’heure. 

Christian, fier de produire des œufs bios.

C’est la fin de journée, nous remplissons un m³ d’eau pour abreuver les poules. L’eau claque, le moteur du bull vrombit, les poules caquettent, curieuses et impatientes. Le plein d’eau doit se faire une fois par semaine. En attendant de remplir le réservoir, on ramasse les œufs dans les pondoirs. La collecte des œufs se fait une fois par jour.  

Une fois cette tâche terminée, on rentre au domicile de Christian pour mettre les œufs dans un local dédié. Il me montre tous les produits d’entretien et m’explique la procédure qu’il doit suivre pour être en règle et éviter les sanctions en cas de contrôle. « Avant ça allait, un Bic suffisait, maintenant il faut remplir des registres et acheter un logiciel. C’est juste une façon de nous contrôler plus facilement et de nous enlever plus facilement nos aides. Or, sans celles-ci on s’éteint ! », me lance Christian plein de désillusion face à cette situation qu’il juge cynique.  

La campagne change mais le travail reste le même.

Le lendemain vers 06h50, le village sommeille encore, blotti dans un silence humide. Au bout de la rue, une lumière tremble derrière une fenêtre : celle de la maison de Christian Lavoix. Il m’ouvre la porte et me salue d’un geste bref, le visage encore engourdi. Zoé, le petit chien, bondit dehors dès qu’elle m’aperçoit. La journée peut commencer. C’est l’heure du déjeuner pour les bovins. 

Le moteur ronfle, la paille crisse sous les bottes. Dans un ballet parfaitement rodé, Christian distribue le déjeuner à ses 140 Blancs Bleus Belges. Les jeunes reçoivent un mélange de céréales et de betteraves, enrichi en minéraux. « Doucement !», ordonne-t-il à une génisse trop pressée. Certains ont droit à des granulés plus gras. Chaque geste est précis, répété mille fois, mais jamais machinal. 

Zoé, la petite Jack Russel âgée d’un an, toujours à l’affut du moindre mouvement de son maître.

À huit heures, nous passons dans le local de soins. Les étagères ploient sous le poids des flacons. Il prépare la tondeuse électrique. Aujourd’hui, il faut tondre les jeunes génisses, pour éviter les poux et la gale. 

Dehors, la lumière s’étire sur les prés. Le bruit de la tondeuse se mêle au grondement lointain des voitures : la campagne s’éveille. 

Changement de rythme.

À neuf heures, Christian soigne une génisse infestée d’acariens. « Elle n’aime pas la tondeuse mais elle sera bien plus soulagée une fois le traitement fini. », annonce-t-il plein de compassion.  

En Wallonie, les règles d’hygiène et de traçabilité se sont durcies au fil des décennies, notamment avec la Politique Agricole Commune et les plans climats régionaux. Les éleveurs doivent prouver qu’ils respectent les normes, au risque de perdre leurs aides financières. « Tu peux être un bon fermier, mais si t’es mauvais en paperasse, t’es foutu », résume Christian. 

Vers dix heures, il troque la blouse contre les gants de mécano. Sous le hangar, il démonte l’attache-remorque de la moissonneuse, couverte de graisse séchée. Il est à genou, le dos courbé, il soupire l’usure de celui-ci. 

À onze heures, un camion recule lentement dans la cour. Un nouveau taureau descend, massif, nerveux, destiné à assurer la reproduction du troupeau. L’arrivée d’un animal, ici, reste un petit événement — un pari sur l’avenir. 

Sa silhouette imposante se découpe dans le paysage, symbole de renouveau pour le troupeau.

Midi approche. 

De retour à la maison, Béatrice, son épouse, appose des cachets sur les œufs de la veille. Chacun doit porter le bon code et la bonne date, prouvant la conformité du lot. « La date de péremption c’est facile, c’est 28jours après la ponte », explique-t-elle. Nous sommes dans un local spécialement aménagé pour le stockage des œufs bios. Christian, lui, est déjà reparti dans ses papiers. 

Plus tard, nous prenons la route à bord de son utilitaire pour livrer les œufs. Sur le chemin, il me montre un champ de petits pois bio, qui n’a pas pu être récolté. « Le bio, c’est risqué. Si le climat ne suit pas, tu perds tout. Pas d’assurance, ni de compensation. » 

Sous la chaleur du soleil, l’étable s’anime au fil des routines quotidiennes.

En 2024, la Wallonie a pourtant lancé de nouveaux programmes de transition agroécologique, censés encourager le bio et réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais sur le terrain, ces ambitions se heurtent à la réalité des saisons. 

L’après-midi se termine dans une prairie isolée, à soigner quelques bêtes. Il est temps pour moi de laisser Christian, un homme passionné par le métier, épuisé par la paperasse. 

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Une course pas rentable

Sat, 06/12/2025 - 15:25
La Maison des Livreurs délivre du soutien à une profession en souffrance

Crédit photo : Thibault Herpoel

Chaque jour, armés d’un vélo ou d’un scooter, des livreurs parcourent les rues de Bruxelles pour apporter aux clients de plateforme​​ leur repas en temps et en heure. Ces travailleurs tentent de gagner leur pain par tous les temps, au péril parfois de leur santé. La Maison des Livreurs essaie de délivrer un peu de soutien à une profession en mal de reconnaissance.   

Une tente verte est en train d’être installée sur une place de parking de la Chaussée de Boondael. L’installation dénote dans cette rue du Cimetière d’Ixelles, quartier très apprécié des étudiants et fêtards bruxellois. Camille et Martin s’affairent à monter une petite table, et quelques petites chaises de camping bon marché à l’abri de la tente.

Les installations sont rudimentaires, avec une tente ouverte et un coffre de voiture pour s’abriter.

Ensuite, ils y disposent quelques biscuits et de grandes carafes de café sous le regard amusé de deux jeunes livreurs, Chadi et Abder. Ce petit remue-ménage ne semble pas affecter les nombreux passants, visiblement pressés de s’attabler en terrasse en cette fin de jeudi après-midi.  

Camille et Martin sont membres de la Maison des Livreurs. L’association, créée en octobre 2022, vient en aide aux livreurs pour pouvoir leur offrir une oreille attentive. Tous les jeudis soir, ils posent leur tente à un endroit de Bruxelles prisé des coursiers. ​« L’équipe intervient pour soutenir les livreurs lorsqu’ils rencontrent des difficultés individuelles, qu’elles soient ou non liées à la plateforme de livraison. Il peut s’agir de factures impayées, de l’enregistrement d’un nouveau moyen de locomotion ou encore de l’accompagnement de ceux qui ont été déconnectés de leur application sans motif valable »​, relate Martin.  

Martin et Camille essaient de régler le problème de connexion des deux livreurs à côté d’eux

Abder, adossé contre un poteau de la tente, profite d’un petit instant de pause entre deux livraisons pour se pencher un peu plus sur ses conditions de travail​. « Je travaille comme livreur depuis 4 ans pour Uber Eats et Deliveroo. Comme je suis sans-papier, j’ai un ami qui m’a prêté son compte. Il est gentil, je le paye un peu en retour ». ​Au fil de la discussion, le livreur ​​évoque la naissance de son enfant né cette année. Un large sourire ​​apparaît​​​ ​alors ​sur son visage​ comme une promesse pour l’avenir​. ​« J’espère pouvoir recevoir mes papiers d’ici quelques mois et être régularisé ». ​​ 

Car sa situation n’est pas évidente. En plus des conditions de travail éprouvantes, il est sans cesse contrôlé par les plateformes. « Je dois alors me dépêcher de retrouver mon ami sans quoi ​mon compte est bloqué et je ne touche plus d’argent du tout ». Puis, il jette un coup d’œil à son téléphone et s’excuse : « je dois aller visiter un nouvel appartement, je m’en vais ». Il s’éclipse. Et lance un dernier au revoir, masqué par les klaxons de chauffeurs exaspérés par les bouchons.  

«Les travailleurs sont atomisés»  

Son cas n’est pas isolé. Tout au long de la permanence, des livreurs se succèdent sans cesse ​sous cette tente. ​​Catherine, syndicaliste des jeunes FGTB​, est​ également venue prêter main forte ce soir​ aux côtés de Martin et Camille​. ​« Il y a un réel besoin »​​, lance ​ce ​dernier​​, le nez devant son ordinateur.  « Les travailleurs sont atomisés. Ils n’ont pas de lieu de ​​socialisation ​​où ils peuvent boire un café, faire du lien, s’organiser collectivement pour améliorer leurs conditions de travail. C’est ce qu’on essaye de leur offrir ».  

Camille et Catherine offrent une aide bienveillante à ces deux livreurs Quelques biscuits et du café sont offerts

​​​L’ancien coursier sait à quel point le métier est difficile. Il aide un ‘collègue’ qui ne parle pas français et qui a vu son compte être bloqué par Uber Eats il y a un mois. La communication est fastidieuse, mais ils parviennent à se comprendre. ​ « On vit tous un peu dans Black Mirror, mais les livreurs y vivent vraiment. Il faut se dire que leur travail est géré par une intelligence artificielle, et par des algorithmes qui décident qui travaille ou qui est licencié. » ​​ 

Un modèle économique défaillant 

Les plateformes comme Uber Eats et Deliveroo payent à la livraison. Ce qui met Martin en colère car c’est ​« un modèle qui​​​ en l’occurrence​​​ est illégal. Et si pour une raison ou une autre, il n’y a pas assez de commandes ou trop de livreurs, certains gars peuvent rester à attendre 10 heures pour toucher 30,40 euros la journée ».​ Une misère.  

Martin traduit leur conversation sur une application pour communiquer

Dès lors, les travailleurs gardent leurs yeux scotchés à leur téléphone, dans l’attente d’une hypothétique commande. Pour l’écrasante majorité d’entre eux, ce sont de jeunes hommes racisés. Ils passent en ​​vitesse pour se reposer​​​​​​ à l’abri. Parfois, ceux-ci n’ont même pas le temps de finir le café offert par l’association qu’ils reprennent déjà leur scooter pour délivrer une nouvelle course.  

Aux alentours de 20h, Abdelhak parque sa moto à proximité de la tente. Il dit dans un anglais approximatif « venir pour un ami qui a un souci​, et qui va​​ bientôt arriver ». Tout sourire, l’homme d’une quarantaine d’années se réchauffe avec un café et un biscuit. Pourtant, il a dû fuir il y a 10 ans les Talibans en Afghanistan pour se réfugier en Belgique. ​« Ils m’attendaient chez moi. Je n’ai plus vu ma famille depuis. »​ Il se plait ici, et son travail aussi même si ​« c’est fatiguant et assez dangereux ».​Puis, il scrute son smartphone et accepte aussitôt une commande. Il encode l’adresse de son prochain client et saute sur sa bécane pour sillonner une nouvelle fois les rues de Bruxelles.  

Abdelhak se repose quelques instants sur sa moto, café à la main

Des discours comme celui d’Abdelhak sont légion ce soir. Des livreurs racontent des histoires arrivées à leurs collègues. Jambes cassées, impossibilité de gagner de l’argent pendant des mois… et ils n’ont souvent pas droit à une assurance santé pour les protéger. ​« Les conditions de travail les ​​​poussent​​​​​​​ à prendre de plus en plus de danger »​​,​ fulmine Camille.  

La soirée se termine aux alentours de 21h30 pour les membres de l’association. Enfin presque. Alors que la tente se replie, un habitué arrive. Max – nom d’emprunt – réajuste ses lunettes et essuie une goutte de sueur. Il vient souvent donner un coup de main pour offrir des conseils à ses compères. Mais ce soir, il est contrarié.​ « Je n’ai fait que 50 euros ce soir et je n’ai même pas encore mangé. Je vais devoir continuer jusqu’à 22h au moins ».​ Camille tente de le rassurer un peu, lui propose un biscuit et lui tend une clope. Max la grille et s’empresse de récupérer la commande que le Quick d’en face vient de préparer.  

Son sac carré floqué Uber Eats sur le dos, il se remet en selle pour offrir un repas à un client impatient. Lui, qui comme bien d’autres ce soir, accepte une énième course pas rentable pour espérer manger à sa faim.  

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Dark Romance :  Le genre qui fascine et dérange 

Sat, 06/12/2025 - 15:19

Entre désirs interdits, violences fictionnelles et héroïnes sous emprise, la dark romance explose dans les librairies et sur TikTok. Pourquoi ce genre attire-t-il autant ? Quelles limites soulève-t-il ? On plonge dans son univers… sans tabou.

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Les Crevits, la ferme au rythme du lait 

Tue, 02/12/2025 - 16:21
Portrait d’une famille de producteurs laitiers dans le Namurois

Crédits photos : Solenn Becquevort

À Boninne, dans le Namurois, la famille Crevits fait tourner son exploitation laitière depuis des années. Bien connus dans le coin, ces éleveurs ont dû se réinventer, s’organiser autrement et, surtout, travailler dur pour continuer à vivre de leurs bêtes. Un portrait de famille qui raconte bien plus qu’une histoire de vaches : celui d’un couple namurois passionné par son métier.

Le message est tombé à 16h30 :  « Bonjour, ce soir pour la traite, c’est mieux que tu ne viennes pas. Les génisses ont eu peur de la chasse dans le bois à côté et tout est mélangé… Ce ne sera pas une traite normale. » 

C’est signé Marie-Cécile. Même à distance, on sent l’urgence et la vie d’une ferme, rythmée par l’imprévu, les bêtes, la météo, les saisons. Les Crevits sont producteurs laitiers. À Boninne, ​en région namuroise, tout le monde les connaît, et Marie-Cécile connaît tout le monde. 

« Depuis que je suis haut comme ça » 

Le lendemain, le stress de la chasse est passé, et la traite peut donc se dérouler avec une invitée journaliste. Le soleil tombe sur les prairies, il est déjà ​​18h. Pour la famille, la journée n’est pas encore finie. Les vaches meuglent dans l’étable.

La ferme Crevits se trouve à quelques kilomètres de Namur, coincée entre les bois de Marchovelette et le village de Boninne. Une ferme familiale, gérée par Marie-Cécile et Marc, accompagnés de leur fils Julien. Tous deux sont nés dans une famille d’agriculteurs ; acheter cette ferme, en 1987, était pour eux une évidence. 

Deux étables, divers outils agricoles, de vastes prairies et une petite bâtisse en pierre typiquement mosane à laquelle est accroché un minuscule magasin, signalé sobrement par une banderole verticale : produits laitiers. 

Il fait déjà trop froid pour certaines laitières qui préfèrent l’étable, à l’abri du vent

À ​​l’étable, l’odeur​​​​ est astringente, la boue omniprésente et les vaches respirent à grand bruit. Au milieu de ses bêtes se trouve Marc, le père : grand, massif, accent namurois à couper au couteau, bonnet et tablier bleus. Il fait penser à un pêcheur breton égaré dans le Namurois. 

Tous les jours, à 6h30 et à 18h, Marc s’active. La première étape de la conception de produits laitiers, c’est de récupérer le lait.  « C’est pas quelque chose qu’on apprend à l’école, ça », sourit-il. « Je trais les vaches depuis que je suis haut comme ça. » 

Marc attache ses vaches aux pompes automatiques. Certaines me regardent, méfiantes.  « C’est normal, c’est la race », dit-il « Les laitières, elles sont nerveuses. » Pourtant, autour de lui, elles s’apaisent. Il parle peu, mais son calme se transmet à ses bêtes. Elles sont de dos, et connaissent bien les machines.  

Marc protège les pis de possibles infections après la traite

Le lait est pompé des pis, préalablement assainis, et directement envoyé via un système de tuyaux vers une pièce adjacente, où se trouve une grande citerne de collecte. Dans cette pièce, Marie-Cécile, la mère, en détourne une partie pour sa production fromagère, et l’autre pour les veaux. Cheveux courts coiffés en brosse, droite dans ses bottes, le regard vif, une femme qui ne s’arrête jamais. « Les vaches, ​​elles ne sont pas très à l’aise avec moi, mais les veaux, eux, ils me connaissent bien. »  

En effet, quelques minutes plus tard, c’est un concert de meuglements quand Marie-Cécile et Julien, son fils, viennent leur apporter leur repas. La nuit tombe vite, et bientôt l’étable n’est éclairée que par les phares du tracteur que conduit Julien. Marie-Cécile plaisante : « J’t’aurais bien invitée à souper, mais on n’a pas fini avant 20 h 30 ! ». 

Louka, le chien de ferme, profite des quelques gouttes tombées au sol «Il faut que je retourne mes fleuris» 

Une fois le lait récolté, écrémé et refroidi, Marie-Cécile doit le mettre en forme.  Les Crevits ne sont pas juste passionnés, ce sont aussi des éleveurs qui se sont réinventés. Avant 2009, la ferme ne produisait que du lait. Puis la crise du lait a frappé : 90 000 éleveurs ont été concernés par une baisse de revenus d’au moins 40 %. « On est allés manifester avec Marc », raconte-t-elle. « Une cousine agricultrice m’a alors dit : “Pourquoi tu ferais pas du fromage ?” » 

Il est temps pour la fromagère de sortir les fromages pressés

Pour revaloriser son lait, Marie-Cécile se forme alors au métier de fromagère, elle expérimente, échoue, recommence. Quatorze ans plus tard, elle a un carnet de clients bien rempli et un atelier de produits laitiers « Je fabrique du yaourt, de la maquée, des fleuris, des pâtes pressées… ». 

Ici,​ dans l’atelier, l’​ambiance est plus​​​​ sérieuse : on y retrouve plusieurs outils, machines ou étalages en métal. Marie-Cécile retourne rapidement une trentaine de petits ballotins pour que l’humidité reste parfaite, étape essentielle à leur affinage. Emballées dans leurs étamines, les pressés attendent que la fromagère leur donne leur bain de saumure, une eau saturée en sel qui prévient l’apparition de moisissures néfastes.  

Ici tout est fait main, chaque étape prendra le temps qu’il faudra « Nous, on n’a pas l’impression qu’on est connus… » 

L’endroit est ​éclairé par de gros néons bleus. Dans le fond de la pièce, une imposante barrique en chêne sépare le petit-lait, à côté de la presse en bois, patinée par le temps. Rien n’est automatisé. « Ça fonctionne encore, pas besoin de changer ! » 

Certains produits, eux, ont besoin de plus de soin et de temps. C’est le cas des fromages à raclette que Marie-Cécile affine depuis déjà un mois. « Tu veux venir voir la cave ? » 

Marie-Cécile insiste pour utiliser cette cave, si elle change elle a peur d’altérer le goût de ses fromages

Elle me guide derrière le magasin, zigzaguant entre les caisses de lait et les outils, jusqu’à l’entrée d’une vieille cave voûtée en pierre, à l’air humide et tiède. « Attention à la marche ! » 

On descend un escalier de pierres bleues vers une petite pièce où, sur des planches posées sur des tréteaux, reposent près de 160 meules de fromage. Ortie, nature, provençal… Marie-Cécile trempe un chiffon dans la saumure et les lave, une par une, avec un soin méticuleux. « On commence toujours par les plus vieux », explique-t-elle. « Comme ça, les jeunes profitent des bonnes bactéries. » 

L’affinage prend du temps, ce fromage a seulement quelques semaines

On entend un tic régulier venant des tuyaux de la chaudière, on courbe le dos pour ne pas se taper la tête contre les murs. Pas très efficace comme lieu, alors je lui demande si elle n’a jamais songé à s’agrandir. Elle marque une pause, une meule de provençal à la main. Puis elle me dit : « S’agrandir, ça veut dire produire plus, vendre plus. Et c’est là que commencent les emmerdes. Et puis, les ​​clients aiment​​​​ le fromage que je vends, si je change de cave, j’en change le goût. Peut-être qu’ils ​ne ​viendront plus. » 

Elle regarde l’horloge. Treize heures déjà. « Mon Dieu, je commence à avoir faim ! » La famille n’a pas encore déjeuné. Au loin, Julien conduit le tracteur pour aller nourrir les animaux. La fromagère plaisante : « Chez nous, on mange que quand tout le monde a mangé ! » 

« Je te sers quoi ? » 

La dernière étape dans leur production à petite échelle, c’est la revente des produits. Une partie du lait est envoyée ​​brute​​​​​​ aux laiteries, notamment pour en faire de la poudre, une autre revendue transformée à des restaurants, des marchés, ou même des golfs…  

Marie-Cécile a un carnet de commande chargé qu’elle supervise grâce à son téléphone

Les Crevits gardent néanmoins leur petit magasin, où une partie des produits de Marie-Cécile sont vendus directement aux consommateurs.  À l’entrée du point de vente, une grosse cloche en fer forgé, qui retentit toute la matinée pour indiquer qu’un client est arrivé. Dans la cour, une voiture se gare. Une cliente descend, six bouteilles de verre à la main. Elle sonne la cloche. Marie-Cécile lui emboîte le pas vers le magasin et lui tient la porte.  

C’est une pièce assez exiguë, encombrée de produits variés. Derrière le comptoir, une simple table de bois, un vieux frigo ronronne rempli de yaourts aux mirabelles, raclette, fromage frais et pâtes pressées. Sur le mur du fond, des coupures de la presse locale retracent la vie du couple et les histoires agricoles de la région. L’ensemble peut paraître encombré, mais tout est en fait aménagé avec soin, des piles de lait d’Ardenne​à la vieille balance en fer. 

Marie-Cécile remplit les vidanges de sa cliente directement avec le lait du jour, tout en bavardant : des enfants, du voisinage, du temps. Une autre cliente repart avec du yaourt à la fraise en vrac. Dans le va-et-vient de la matinée, une chose ressort : ici, on revient, on papote, on prend des nouvelles. La convivialité est aussi locale que le lait. 

Marie-Cécile est une femme très occupée, on la voit rarement faire une pause

Entre deux clients, elle essuie ses mains sur son tablier, enfile sa charlotte ​​et repart à l’atelier. À les voir s’activer ainsi, j’en viens à me demander s’ils prennent des vacances.  « On a pris un jour de congé avec Marc la semaine dernière, on était dans les bouchons vers la côte. J’aime pas les bouchons, dans ces moments-là, je me dis que je serais bien mieux chez moi. »​​ Une famille à l’ancrage bien local, les Crevits.  

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