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José, au cœur des luttes
Employé dans une entreprise de travail adapté, José se révèle également être un militant engagé. Entre la passion, le courage et la détermination, Mammouth média s’est glissé dans son quotidien.
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Sans-abrisme: les bénévoles en première ligne
Elise Henry
En 2024, le nombre de personnes sans-abris et mal logées à Bruxelles pourrait dépasser la barre des 10.000 (contre 7.134 en 2022), selon le centre d’appui régional Brusse’Helpt. Cette augmentation du sans-abrisme, la Croix- Rouge y est directement confrontée au travers de ses maraudes de nuit. Nous les avons accompagné.
Il fait nuit, le vent souffle fort et le temps est glacial, nous sommes à la veille du grand retour de la neige. Rendez-vous à 18h, rue du Rempart des Moines 78, le mardi 19 novembre, au local de la Croix-Rouge de Bruxelles. Le portail est grand ouvert, aucun bénévole n’est encore arrivé hormis Gaëtan Lebrun, responsable de l’équipe Maraude, et Christine Weiland, présidente de la section de Bruxelles. Les locaux sont organisés en trois espaces. Il y a la réserve, la pièce à vivre, teintée de blanc et de rouge aux couleurs de l’association, et la cuisine, où sont préparés les sandwichs.
La Croix Rouge de Bruxelles organise tous les mardis soir des maraudes aussi dites tournées « HOMI » (« homeless and migrants ») pour désigner les bénéficiaires : les sans-abris et sans-papiers. « À la Croix- Rouge on ne fait aucune différence entre les bénéficiaires qu’on rencontre dans la rue, quel que soit leur parcours », explique Gaëtan Lebrun. Les maraudes sont organisées en trois équipes, qui distribuent de la nourriture, des boissons chaudes, mais aussi des produits de première nécessité. Les maraudes sont également un moyen de rétablir du lien social avec les bénéficiaires et les rediriger vers d’autres structures associatives. Pour Gaëtan Lebrun, « la tartine, c’est qu’un prétexte pour rester discuter avec eux, s’ils le veulent ».
De 18h à 20h, les bénévoles arrivent petit à petit, aident à la préparation de la nourriture et organisent les différentes caisses qui accompagneront les tournées. On enclenche la bouilloire, on réchauffe la soupe dans des marmites, et chacun se met à la chaîne pour réaliser des sandwichs au fromage. Entre les bénévoles, ça discute du quotidien et des préparatifs de la maraude, le tout dans une ambiance conviviale.
On avait commencé avec 45 sandwichs et maintenant on est à 120, mais j’en ferais 150, ça partirait aussi
Christine Weiland, présidente de la Croix Rouge de Bruxelles.Le sans- abrisme augmente considérablement à Bruxelles, et ce sont les acteurs de terrain comme les bénévoles de la Croix-Rouge qui sont les premiers à le constater. Christine Weiland, présidente de la section Bruxelles de la Croix-Rouge, confirme avoir observé une forte augmentation du sans-abrisme depuis 2011 (début des maraudes a la section de Bruxelles) notamment du nombre de migrants en provenance de l’Europe de l’Est : « Le sans-abrisme augmente, ça c’est sûr (…) il y a un boom migratoire pas possible. On avait commencé avec 45 sandwichs et maintenant on est à 120, mais j’en ferai 150, ça partirait aussi », remarque-t-elle. Plusieurs autres bénévoles attestent également de cette augmentation, visible au travers des maraudes, même si cela dépend toujours des zones dans lesquelles ils interviennent. Quentin Guiraud, bénévole depuis 6 ans à la Croix-Rouge, a également constaté l’augmentation du nombre de femmes sans-abris et les très faibles réinsertions chez les bénéficiaires rencontrés.
La maraude de la Croix-Rouge s’arrête dans une station de métroIl est 20 heures, l’heure d’aller commencer la maraude. Il fait nuit noire et les températures frôlent les 0 °C. Après un dernier briefing de Gaëtan Lebrun, les bénévoles enfilent leurs vestes rouges et se répartissent dans les camions. Tout au long de la maraude, l’ambiance dans le camion reste joviale. Les bénévoles discutent des endroits où l’on croise le plus de bénéficiaires, de ceux avec qui ils ont noué des liens (et dont ils s’efforcent de retenir les prénoms) mais aussi de la meilleure manière pour dire au revoir à un bénéficiaire : « au revoir » semble trop formel, « bon courage » paraît trop misérabiliste, « bonne soirée » peut sembler ironique. Ils finissent par s’accorder sur une formule : « Prenez soin de vous ».
On discute aussi de la meilleure manière de dire au revoir à un bénéficiaire : « au revoir » semble trop formel, « bon courage » paraît trop misérabiliste, « bonne soirée » peut sembler ironique. On s’accorde sur : « Prenez soin de vous ».
Le camion est allé du parvis de Saint-Gilles à la place du Luxembourg en passant par l’Hôtel des Monnaies. À chaque arrêt, les bénévoles prennent des caisses contenant des denrées alimentaires ou des produits d’hygiène pour les distribuer aux bénéficiaires. Ces derniers sont souvent allongés dans des couloirs de station de métro, assis sur un banc, ou blottis à plusieurs sous des tentes. À chaque rencontre, les bénévoles prennent le temps d’échanger avec les bénéficiaires pour créer ou renforcer un lien social, comme avec Léo. Lors d’une visite à la Croix Rouge, ce bénéficiaire a offert un livre à Quentin, avec qui il avait noué une relation amicale. Pour certains bénéficiaires, croiser la Croix- Rouge c’est discuter, donner ou recevoir des nouvelles, partager un sourire ou simplement tenir une main.
Il est 23 heures, c’est la fin de la maraude, tous les repas ont été distribués, même si, en milieu de parcours, les bénévoles ont dû rationner pour pouvoir en donner au plus grand nombre. À l’approche de l’hiver, la Croix-Rouge redouble d’efforts pour venir en aide aux milliers de sans-abris qui devront affronter des conditions climatiques éprouvantes et dangereuses.
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En « hypnagogie » avec Grégoire Gerstmans
Hypnagogie, c’est le nom du premier album solo de Grégoire Gerstmans. La pianiste originaire de Liège signe un album au style néo-classique et minimaliste, qui nous emmène dans un état d’hypnagogie, sur le fil de l’endormissement. Nous l’avons rencontré.
Mammouth: Sortir un premier album, en solo, et au piano, ça fait quoi ?
Grégoire Gerstmans: C’est un peu pyramidal. De manière général, c’est déjà un rêve d’enregistrer un disque. Mais le faire en solo, c’est incroyable et sous son propre nom, c’est encore plus incroyable, c’est rentrer dans quelque chose de très personnel. Le piano est arrivé comme une évidence, d’une manière naturelle. C’est mon instrument de cœur, c’est mon premier instrument. Je ne me souviens même pas d’avoir commencé à jouer au piano, j’en ai toujours fait.
Le jour de la sortie de l’album, c’est un énorme plaisir. C’est énormément d’émotion et de sentiment, parce que c’est un rêve. Voir tous ces gens qui croient au projet depuis le début, ma famille et mes proches, qui m’ont aidé à aller jusqu’à l’aboutissement de ce disque, c’est un plaisir.
Vous dites créer votre musique à la sensibilité, mais derrière un piano, comment exprime-t-on sa sensibilité ?
Le piano, c’est un peu la même chose qu’un alphabet, mais il n’y a que douze lettres. Ce qu’il a de particulier avec le piano, c’est qu’il y a la musique, les notes, et puis il y a la manière dont on va les jouer. Mon expérience dans ce projet, c’est de me dire j’ai envie de composer une mélodie, de jouer une mélodie, mais je vais l’amener avant tout dans mon univers. C’est aussi ça la musique et les émotions : c’est la manière dont on va ressentir les choses, et la manière dont on va les jouer. Dans mon travail, je vais ajouter beaucoup de silence dans mes morceaux. Ils apportent une émotion et il ne faut pas les négliger. Mon combat, c’est d’arriver sur le piano, de proposer des choses, et de retirer tout ce qu’il y a de superflu, pour en arriver à un équilibre entre le silence et les notes. Quand j’écris un morceau, j’essaye de laisser le plus d’espace possible à la contemplation et à ce que les gens peuvent ressentir.
Vous avez enregistré votre album sans artifice, dans votre grenier. Pourquoi avoir fait ce choix ?
La marche normale à suivre, ça aurait été de louer un piano, de louer un studio d’enregistrement, de prendre un ingénieur du son et d’enregistrer mes morceaux pendant deux ou trois semaines, et voilà. C’est ce que tout le monde aurait fait. Mais dans cette démarche, il faut aller vite. Je voulais quelque chose de différent. Ça a commencé par le piano. J’avais un son en tête. J’avais envie de trouver un vieux piano avec un touché, une histoire, une émotion et je voulais trouver une relation avec le piano. Quand je l’ai trouvé, j’avais mon piano, mais pas de studio. Donc je me suis mis dans mon grenier. D’un côté, pour éviter les bruits de la maison et d’un autre pour m’isoler. On a fait entrer le piano par la lucarne, dans le grenier. Et autour, j’ai construit une cabine studio, pour arriver à n’avoir que le son du piano. Mais bon, je reste dans mon grenier, donc on entend aussi le bruit des oiseaux, le vent, etc. Ce sont des choses que j’assume. C’est chouette parce qu’on a trouvé un son, mais aussi un son qui est personnel et intimiste.
Pourquoi « hypnagogie » comme titre de l’album ?
Après avoir écrit un morceau, je cherchais un mot, un nom à celui-ci. Clément (qui écrit les textes et les poèmes qui du livret qui accompagne l’album) étant très littéraire, je lui ai demandé des idées de noms et de titres, sur le minimalisme et l’ambiance du morceau. Et dans les mots qu’il me sort, il y a « hypnagogie ». Dans un premier temps, je me demande d’où sort ce mot. Je vais voir la définition au dictionnaire et ça m’a directement impressionné. Ce mot m’a marqué, m’a sauté aux yeux. C’était ce mot-là. J’ai tellement aimé le mot que j’en ai fait le titre de l’album. Je voulais un disque avec un nom original. Ce mot, ce nom, il a influencé le reste de l’écriture de mon disque. L’endormissement, c’est un moment sacré. Si tu ne lâches pas prise de ta journée, tu ne t’endors pas. C’est aussi quelque chose de physique, de fin, d’ambivalent entre le rêve et l’éveil. Tu peux tout faire pendant l’hypnagogie. Et c’est ce que je recherche dans ma musique, un moment de lâcher prise.
Le dernier morceau de votre album est le seul avec des paroles. C’est une métaphore qui parle du temps qui passe, et de la peur de rater les plus beaux moments de sa vie. Ça vous angoisse, le temps qui passe ?
Oui, beaucoup. Je ne suis pas à l’aise avec la fin en fait. Mais j’oublie que c’est un tout, que la fin fait partie du début, et qu’il faut savourer l’instant parce que sinon on est vite à la fin.
Clément a écrit ce texte, et quand je l’ai lu, j’ai été marqué, émerveillé par le texte. La métaphore est très prenante, tellement qu’on a décidé de contacter Laurence Vielle, qui a été nommée poétesse nationale en 2016. On lui a demandé si c’était possible de venir chez elle pour enregistrer ce texte. Ça a été une rencontre extraordinaire. Je suis tombé amoureux de sa voix.
Pour vous, faire de la musique, c’est prendre le temps ?
C’est me connecter au temps. Avoir écrit et jouer ce piano, pour moi, c’est comme si j’ouvrais la page d’un grand livre d’une nouvelle thérapie, une nouvelle vie. J’ai une phrase, qui est vraiment une base de mon projet, « Profite de l’éternité de l’instant. », qui influence mon style de vie. Je sors du rock’n’roll, de la pop, des grosses fêtes et j’ai écrit un disque qui est presque ma prescription personnelle finalement.
Il est fier de ce projet, le petit Grégoire qui passait son temps à jouer au piano chez son grand-père ?
Oui, il est super fier. Mais, ça me demande un effort de prendre du temps d’être fier. Là, j’ai envie de prendre du temps pour accueillir l’accomplissement de mon projet, mais comme je fais aussi mes propres photos, mes clips, mes concerts, etc., je ne m’arrête jamais. Donc oui, je suis fier de moi, mais ça va aussi prendre un peu de temps pour prendre conscience de ce qui est sorti, et pour prendre conscience de la dose de fierté.
Et votre grand-père, il serait fier ?
Il serait très fier, et même mes deux grands-pères. Ils m’ont donné l’art des deux côtés. L’un m’a donné le goût à la musique, l’autre à la peinture et l’art visuel. Mais oui, ils seraient fiers, et j’ai le rêve d’imaginer qu’ils le sont.
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Se loger sans papiers, une lutte en zone neutre
Photo : Elodie Clement
Habiter un lieu est une banalité pour certains, une lutte quotidienne pour d’autres. C’est le cas du collectif Zone neutre, un groupe d’une soixantaine de sans-papiers, qui occupent un bâtiment vide à Woluwe-Saint-Lambert. Ils défendent le droit au logement pour tous et toutes, et luttent pour la régularisation des sans-papiers. Le 22 octobre dernier, ils ont échappé de justesse à une menace d’expulsion.
Un grand bureau dressé au milieu de la pièce donne au 451, Avenue Georges Henri, une allure à mi-chemin entre le squat et la salle de réunion. Une odeur de hall de gare, de marc de café et de tabac froid flotte dans l’air. Si le lieu a une apparence glaciale, une chaleur et une familiarité s’en dégage. Il est habité par le feu de celles et ceux qui luttent. Les éclats de voix caractéristiques des balbutiements d’enfants se mêlent aux conversations étouffées, et comme du velours, habillent la froideur des murs.
Ce soir-là, une cinquantaine de personnes se tiennent dans ce décor. Au milieu d’eux se trouve un homme au visage détendu mais fatigué. C’est Saïd, le porte-parole du collectif, qui anime une réunion. « C’est un projet de lutte. Le logement, c’est un droit. On a le droit d’être ici ». Régulièrement, il passe du français à l’arabe pour faire comprendre son discours à l’ensemble de son auditoire.
Le collectif existe depuis 2021 et a occupé quatre bâtiments différents. Depuis le cinq aout dernier, ils occupent celui-ci, qui appartient au Groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), vide depuis trois ans.
« Une partie des propriétaires a porté plainte contre nous. Il y avait l’expulsion normalement le 22 octobre. On a mobilisé notre réseau, on a résisté. Grâce à ça, on a réussi à avoir un recours ». Désormais, ils attendent de savoir s’ils pourront ou non signer une convention, qui leur permettrait de rester un certain temps dans le bâtiment.
Le froid et l’incertitude s’invitentUne dizaine de minutes après le début de la réunion, les lampes qui brûlaient à l’essence s’éteignent subitement. Le groupe décide de continuer la discussion dans le noir. Depuis deux mois, les occupant·es sont privé·es d’électricité. Une difficulté qui s’additionne à toutes celles qui compliquent leur quotidien.
Naïma* a fini ses études il y a peu. Sa voix gracile dégage une optimismeà toute épreuve. Elle est née en Belgique et a donc ses papiers mais, victime de la crise du logement à Bruxelles, elle ne peut pas assurer un loyer. Elle vit avec le collectif depuis plusieurs mois. « À cause de la coupure d’électricité, il fait hyper froid le soir. Le froid me gêne plus que le manque de lumière. Aussi, il n’y a pas de douche ici. Chacun se débrouille, il faut se laver chez des amis, à la salle de sport… ».
La vie dans une occupation, c’est aussi la crainte d’être expulsé. « Moi, c’est différent, je sais que je pourrai trouver mon propre logement. Mais tu ne peux pas vivre comme ça, c’est vraiment super difficile de pas savoir si tu peux rester habiter dans un endroit. C’est effrayant, parfois tu dors pas, tu dors super mal. »
Négocier la signature d’une convention permettrait au collectif d’avoir plus de confort, notamment en rétablissant l’électricité. L’obtenir est aussi un préalable aux demandes de régularisation, car le convention offrirait une adresse aux occupant·es. Saïd explique : « Nous ici, on est dans le cas de la migration économique, et ça ne nous donne pas le droit de demander l’asile. C’est un problème. C’est pour ça qu’il faut qu’on arrive à signer une convention. Il faut avoir une adresse. Si t’as pas d’adresse, même si tu as tous les arguments, tu peux pas déposer un dossier de régularisation. »
La trajectoire de Selim, entre attente et désillusionSelim balade sa silhouette élancée dans le rez-de-chaussée du bâtiment, avant de larguer les amarres sur une chaise un peu isolée du groupe. Il tapote inlassablement avec son stylo sur le coin d’une table, un peu nerveux, mais souriant et d’une apparente légèreté. Sur son passé, Selim reste volontairement évasif. La seule chose qu’il confie : « Moi quand je suis arrivé en Belgique, t’étais pas encore née, je te jure, j’en suis sûr ». Il est arrivé dans le collectif en 2021, par hasard « Je suis passé devant, j’ai vu une banderole ‘lutte pour la régularisation’. J’ai été voir, et voilà, ça a commencé comme ça ».
Selim est lui aussi un migrant économique et souffre des difficultés qui y sont liées. « J’ai fait une procédure, mais ça a échoué. Mon dossier, ils l’ont laissé trainer, trainer, trainer… Je suis parti sur un recours, ça a duré deux ans et ça n’a pas abouti non plus. Je veux faire une nouvelle tentative, mais l’avocat m’a demandé une somme d’argent que j’ai pas. »
Au fur et à mesure de ses confidences, son air joyeux se voile. « Franchement l’avenir, pour moi c’est sombre… C’est vraiment flou et je vais pas te mentir, j’ai perdu espoir. À la base mon objectif en venant ici c’était avoir les papiers. Je me disais, peut-être c’est plus facile de passer par un groupe, on va plus m’écouter. Mais j’ai compris que non… »
Comme une très grande majorité des membres du collectif Zone neutre, Selim travaille. Il est livreur. Pourtant, l’accès au logement reste un éden impossible pour lui. « Un loyer, il faut l’assumer. Avant, tu trouvais un studio à Bruxelles pour 380 euros… Maintenant quand je regarde pour louer, dès que je vois les prix, je pars en courant. Ça m’énerve, ça me stresse, je te jure. »
Il se lève et continue sa déambulation dans ce lieu où s’entremêlent les difficultés liées à la régularisation et au logement. Un lieu dont les habitant·es vivent dans l’inconnu. Obtiendront-ils la signature d’une convention ? Cela serait comme une trêve dans leur combat en zone neutre.
* nom d’emprunt
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Aboyer en liberté
Photo : Issey Résimont
Dès l’arrivée, nous sommes accueillis par Bella, Kito et Luna. Ces chiens, qui appartiennent aux propriétaires du refuge, viennent joyeusement nous renifler, réclamant quelques caresses et distribuant des petites léchouilles en guise de bienvenue. C’est au milieu des champs de Sorinnes, que se trouve le refuge “Sans famille”, un espace de six hectares, semblable à une véritable ferme. Fondé il y a 36 ans par Frédérique et Jean-Pierre, ce refuge accueille aujourd’hui une grande diversité d’animaux qui ont été abandonnés, trouvés ou retirés à leurs propriétaires suite à de mauvais traitements. Actuellement, il y a 50 chiens, 60 chats, 18 moutons, 4 vaches, 18 équidés, 26 chèvres, 15 cochons et 200 poules. En moyenne, le refuge doit faire face à trois ou quatre abandons chaque mois, un chiffre qui évolue constamment.
La particularité et la plus grande force de “Sans famille” est son fonctionnement en semi-liberté qui le distingue des autres structures. Ici, les animaux ne vivent pas derrière des barreaux mais dans de vastes enclos. Les chiens, par exemple, vivent en meute où ils peuvent interagir et se déplacer librement. Les plus difficiles à gérer sont séparés pour garantir leur sécurité et celle des autres. Les nouveaux arrivants, quant à eux, passent par une période d’adaptation durant laquelle ils sont isolés temporairement afin de faciliter leur intégration dans la meute. Dans le cas d’une adoption infructueuse, cette organisation diminue le stress du chien qui, s’il revient au refuge, retourne dans la meute et ne passe pas par la case “retour cage”.
Si le refuge existe, c’est grâce au couple de fondateurs, qui y habitent et le gèrent avec dévouement. Ils puisent dans leurs pensions et leurs économies pour maintenir le domaine, ce qui est complété par quelques petits dons. Mais “Sans famille”, c’est aussi des bénévoles qui viennent prêter main forte. Parmi eux, Ismérie et Maxime, deux passionnés, qui passent la majeure partie de leur temps ici. “On aime que ça, c’est notre vie ici”, expliquent-ils. Avec des animaux en semi-liberté, les liens tissés sont plus forts que dans des refuges classiques avec des cages. « On fait partie de la meute », ajoutent-ils. Outre Ismérie et Maxime, d’autres bénévoles viennent régulièrement pour promener les chiens, s’occuper des chats ou encore entretenir les lieux.
A 13h, c’est l’heure du dîner. Le personnel se réunit pour manger et échanger sur sa journée au sein de la meute. C’est dans ce hangar, ouvert vers l’extérieur, que vivent les chiens. Les animaux placésAu refuge, un nombre significatif d’animaux proviennent de saisies. Ces saisies sont coordonnées par l’unité du Bien-Être Animal qui intervient lorsque des animaux sont maltraités, négligés et que leurs conditions de vie sont jugées inacceptables. L’unité qui fait partie du département de la police et des contrôles, compte 18 agents, dont une majorité de vétérinaires. Ils traitent les plaintes qui arrivent en masse et procèdent aux saisies pour protéger les animaux. En 2023, 1.379 animaux ont été saisis en Egion wallonne. Le bilan final de 2024 sera sans doute plus élevé encore: alors qu’entre janvier et juin 2023, on dénombrait 676 saisies, le chiffre est passé à 1.280 sur la même période en 2024. Lors de la saisie, les animaux sont physiquement retirés de leur environnement et placés dans des refuges sûrs. Chaque saisie est d’abord temporaire et dure maximum 60 jours. Durant ce délai, les propriétaires peuvent préparer leur défense. Ensuite, les agents font une proposition, pour décider de qui sera le propriétaire définitif. La décision finale revient au ministre compétent dans le bien-être animal, qui n’est autre, dans le gouvernement wallon actuel, que le ministre-président Adrien Dolimont. Dans la plupart des cas, l’animal reste au refuge. Une aide financière publique est allouée afin d’aider le refuge dans sa prise en charge. Dans 6% des cas, l’animal est rendu à son propriétaire si celui-ci respecte les nouvelles conditions.
Les chiens “inadoptables”À “Sans famille”, de nombreux chiens sont en situation dite “inadoptable”. La raison ? Certains sont âgés, souvent jugés “trop vieux” par les adoptants potentiels et d’autres ont été maltraités et sont donc méfiants voire agressifs envers les humains. Pour les faire évoluer, le refuge fait appel à Gaëlle, une comportementaliste spécialisée qui vient travailler régulièrement avec eux. Selon elle, il n’y a pas une méthode miracle qui marche avec tous les chiens. Chaque animal est différent et donc le travail à faire n’est jamais le même. Il faut avant tout observer le comportement du chien pour savoir comment l’aborder. Puis petit à petit, essayer de gagner sa confiance, son respect et par la suite créer un lien. D’autres chiens ont du mal à trouver une famille en raison de leurs lourds besoins médicaux, qui exigent un engagement important de la part des adoptants. Parmi eux, se trouve Roxana, une malinoise de 4 ans rapatriée de Bulgarie. Elle est passée de famille d’accueil en famille d’accueil avant d’être finalement retrouvée abandonnée, paralysée des pattes arrières, dans un abri de jardin. Aujourd’hui, Roxanna reçoit les soins et l’attention de deux marraines, Barbara et Annie, qui viennent la sortir tous les deux jours en l’accompagnant dans son chariot. Le refuge est cependant conscient que ses chances d’adoption sont malheureusement faibles.
Comme c’est un exercice très éprouvant pour la chienne, la balade ne peut durer que 10 à 12 minutes.The post Aboyer en liberté appeared first on Mammouth Média.
Famille d’accueil: un bénévolat pas comme les autres
© Alexandre Demacq
Décider de devenir famille d’accueil, ça change la vie. Celle des familles, évidemment, mais aussi celle de l’enfant qui sera accueilli pour qu’il puisse recevoir l’amour que chaque enfant mérite. Nous en avons parlé avec Xavier Verstappen, directeur de l’ASBL « L’accueil familial » qui regroupe un ensemble de projets avec des familles d’accueil au sein de la Communauté française.
Xavier Verstappen, directeur de l’asbl L’accueil familialMammouth: Quelles sont les modalités de l’accueil par une famille en Fédération Wallonie-Bruxelles aujourd’hui ?
Xavier Verstappen: Il y a trois catégories. Pour l’accueil d’urgence, la règle c’est : quinze jours renouvelables deux fois au maximum, donc 45 jours. Le court terme, ce sont des accueils de trois mois renouvelables deux fois également. Enfin, le moyen long terme où les enfants grandissent dans leur famille d’accueil qui devient un peu leur seconde famille.
Peut-on comparer une adoption et un accueil long terme ?
La grande différence, c’est qu’être famille d’accueil, c’est permettre aux enfants de vivre une double appartenance, c’est-à-dire garder un lien avec leurs parents et à la fois vivre en famille d’accueil. Nous travaillons avec chaque enfant et ses parents au maintien du lien et au développement du « juste lien ». Parfois ça signifie l’absence de lien, parfois des rencontres familiales ponctuelles que l’on peut organiser dans nos salles de rencontre.
Vous manquez de familles d’accueil…
C’est toujours le problème. Le nombre de familles d’accueil sélectionnées, dans le cas où il n’y a pas de liens de sang, n’a cessé d’augmenter. Pourtant, le manque est cruel, à Bruxelles, il y a plus de 70 enfants qui sont en attente, et sur l’ensemble de la Communauté française, on est autour de 300 enfants qui attendent un accueil long terme. On parle souvent de 600 enfants en attente d’une famille d’accueil, c’est parce qu’on a aussi des demandes d’urgence et de court terme.
Au niveau du profil des parents qui viennent se présenter de manière volontaire, qu’est ce qui revient généralement ?
C’est quand même une valeur sans doute très occidentale et socio-économiquement moyenne ou forte que de se dire que je vais être solidaire d’un enfant qui n’est pas le mien. Cela dit, on cherche, pour l’instant, à Bruxelles, à pouvoir s’ouvrir à d’autres cultures de manière plus concrète et plus importante. Homme, femme, marié ou pas, avec ou sans enfant, homo ou hétéro, toutes les configurations reconnues par l’adoption sont aussi valables pour l’accueil évidemment.
L’équipe de l’asbl L’accueil familialComment gérer ce bénévolat 24 heures sur 24, sept jours sur sept ?
Ça change une vie. C’est comme quand on décide de partir en Amérique, ça change une vie aussi. Ça transforme l’organisation familiale. D’ailleurs, quand il y a des enfants, ils sont inclus dans le processus de réflexion autour du projet.
Combien de temps dure ce processus ?
Ce processus dure minimum six mois pour le moyen-long terme. Pour le court terme et l’urgence, c’est un peu plus court. Ce qui est vraiment important, c’est de se dire que l’accueil d’un enfant, ce n’est pas du shopping où on met n’importe quel enfant dans n’importe quelle famille. Il faut parfois attendre quelques semaines ou quelques mois, malgré la longue liste d’attente d’enfant, pour trouver le bon profil d’enfant qui va bien correspondre à la famille qui est disponible.
On a parlé des enfants et des familles. Quel suivi est-ce que vous, en tant qu’ASBL, vous proposez à ces familles ?
On n’est pas présent au quotidien, ça, c’est vraiment quelque chose qu’il faut comprendre. Nous sommes, comme intervenant social, toujours pris entre des intérêts très différents. Celui des parents, celui de la famille d’accueil et l’intérêt de l’enfant qui est au milieu. Un parent d’accueil ne devient pas le parent de naissance. C’est parfois difficile à comprendre, mais pour le bien de l’enfant, chacun doit rester à se place et faire son rôle pas plus, pas moins.
Est-ce que cela coûte, d’être famille d’accueil ?
C’est surtout un coût en termes de temps. Le coût financier est réel pour la famille d’accueil, mais n’est pas un obstacle grâce au soutien de la Communauté française (14 à 15 euros par jour). Cependant, quand on a organisé sa vie, sa tarte de temps comme je le dis toujours, avec nos différentes occupations, tout est bien rempli et on n’a pas envie de toucher à grand-chose. Devenir famille d’accueil, c’est toucher à ça.
Comment gérer la fin d’un accueil d’urgence ?
Il nous faut des personnes quand même assez fortes, assez disponibles et qui sont au claires sur leurs motivations. Si tout ça est acquis, alors on va pouvoir, à la fin de l’accueil, confier à d’autres l’enfant pour qui on a pris soin pendant un temps. Si l’enfant n’est pas trop abimé par ce qu’il a vécu avec ses parents, l’enfant va ressentir ça et va pouvoir vivre cette transition le mieux possible. Mais, bien sûr, on n’est pas tous faits pour faire n’importe quel type d’accueil.
Est-il possible de revoir un enfant qu’on a accueilli après son départ ?
Oui, mais à condition que ce soit fait progressivement et au bon moment. Il ne faut pas être dans une concurrence au moment du passage d’une famille d’accueil d’urgence à une famille d’accueil de long terme. Mais sinon, pouvoir, en tant que famille long terme, aider l’enfant à comprendre et à intégrer son histoire avec toutes les ruptures, mais aussi avec toutes les bonnes personnes qu’il a pu rencontrer, c’est une bonne chose.
Mais ce n’est pas une garantie …
Ça se met parfois, et c’est bien. Parfois, ça se met mal et c’est compliqué, mais c’est comme ça. Dans l’intérêt de l’enfant, il faut toujours donner priorité au projet long terme.
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Le béguinage, précurseur du féminisme
Photos : Azad Yagirian
Né au Moyen Age, le béguinage accueille des femmes, sans soutien social, qui refusent les contraintes du mariage et des ordres religieux pour vivre leur foi en toute liberté. Aujourd’hui, ce modèle inspire encore. C’est dans l’un de ces lieux que je rencontre Muriel, Marianne et Sophie qui, chacune à leur manière, ont décidé de poursuivre cette tradition.
Au cœur de Saint-Josse-Ten-Noode, à Bruxelles,, au 79, rue Potagère, se dresse un bâtiment blanc parmi tant d’autres, dont l’apparence ne révèle pas la véritable nature. Il s’agit du couvent de Béthel (littéralement “Maison de Dieu” en hébreu). Celui-ci s’organise sur trois étages avec des appartements occupés par des résidents, béguines ou autres, croyants ou non, à la recherche d’un endroit où loger. Il est midi. Quand la porte d’entrée, s’élevant sur plusieurs mètres de haut, s’ouvre brusquement, j’aperçois une dame au visage ridé, arborant un carré classique : Muriel De Beco, une béguine de 80 ans.
Autrefois mariée, elle choisit un beau jour de rejoindre la communauté religieuse des sœurs dominicaines. Les sœurs dominicaines, membres de l’Ordre des Prêcheurs, fondé par saint Dominique au 13e siècle, font partie des religieuses actives qui allient vie contemplative et apostolique. “J’étais appelée à entretenir une relation personnelle et unique avec le Seigneur sans intermédiaire, mais cela ne me convenait pas.” Très vite, elle décide de s’en défaire pour suivre un chemin davantage en accord avec ses aspirations spirituelles. Elle devient donc béguine.
Ces femmes ne voulaient pas non plus dépendre d’un mari. Elles souhaitaient rester libres entre elles et solitaires, contrairement à la structure hiérarchique d’un monastère
L’existence des béguinages remonte au 13e siècle, principalement dans les régions du Nord de la France, des Pays- Bas et de Belgique. Ils offrent un refuge pour des femmes qui cherchent à échapper à la fois à l’autorité patriarcale et aux pressions des institutions religieuses, en leur permettant de mener une vie spirituelle autonome, à l’écart des normes traditionnelles. En rejoignant ces communautés, elles bénéficient d’un statut souple, sans être tenues par des vœux définitifs de pauvreté, de chasteté ou encore d’obéissance, à la différence des religieuses qui étaient soumises à une hiérarchie ecclésiastique plus stricte. Malgré les siècles passés, l’esprit du béguinage perdure dans des sites religieux qui transmettent ses valeurs ancestrales, notamment en Allemagne, en Belgique, en France et en Autriche.
Muriel s’adonne à plusieurs activités, guidées par des « discernements » : des appels de Dieu survenant à des périodes spécifiques de son existence. Malgré ses craintes, elle trouve le courage de les accueillir. “Au final, confrontée à l’épreuve, je me suis sentie très heureuse. Ces femmes ne voulaient pas non plus dépendre d’un mari. Elles souhaitaient rester libres entre elles et solitaires, contrairement à la structure hiérarchique d’un monastère, par exemple.” Elle ferme la porte derrière moi et me sourit. “Il était clair pour les dominicaines de ce couvent que je n’étais pas en phase avec cette spiritualité telle qu’elles l’avaient conçue. Et elles l’ont accepté sans difficulté. Je suis une béguine libre. D’ailleurs, jeune homme, la béguine incarne une figure avant-gardiste du féminisme.”
Marianne Goffoël, 82 ans, sœur dominicaine et l’une des fondatrices des lieux, se dirige vers le buffet de sa salle à manger, à côté duquel repose un seau rempli d’eau sale. “Habituellement, je me lève à six heures et demie. J’aime faire mon ménage en parcourant l’application Prie en Chemin. Je suis multitâche.” Elle désigne du doigt une dizaine de livres entassés sur une table ronde. Elle se penche et ajuste ses lunettes. Marianne me tend un ouvrage intitulé Démence et résilience : mobiliser la dimension spirituelle de Thierry Collaud et l’ouvre à l’endroit du marque-page. Elle se met à froncer les sourcils au fur et à mesure qu’elle avance dans sa lecture. “Vous savez, la force de l’indépendance, même face à la maladie, reste essentielle.”
Au final, je mène ma vie comme je l’entends. Ici, c’est le paradis.
Sophie Vaes est une croyante âgée de 78 ans. Assise les pieds repliés sous cette chaise qui grince, elle tient entre ses mains un livre recouvert de poussière, qu’elle s’apprête à nettoyer. “Le hasard m’a conduite jusqu’au couvent de Béthel. À la base, je ne cherchais qu’un logement, à un prix raisonnable.” Soudain, ses yeux d’un bleu clair, presque translucides, me fixent. “Je suis ressortie blessée d’une association où des réunions obligatoires étaient prévues. On devait assister à ceci, à cela. Or, je n’en voyais absolument pas l’intérêt.” Vêtue d’un plaid, elle s’approche d’une commode en bois verni et y ajuste les accessoires avec soin. “En tant que chrétienne, ici, j’ai la possibilité de participer aux offices religieux. Ce n’est ni trop long, ni trop court… À vrai dire, c’est comme vous le sentez. Je n’ai jamais eu le sentiment d’une obligation. C’est une invitation”, dit-elle.
Sophie détourne son regard vers le sol pendant un instant. Outre la liberté dont elle jouit, la vie en communauté n’est pas toujours facile. “Il faut avoir guéri de ses propres blessures. Plus je me connais, plus j’acquiers une forme de patience qui m’offre du recul sur un événement qui me touche.” Elle enchaîne, d’un ton assuré. “Ce que j’aime prier avec les autres. Le fait de se poser, environ vingt minutes, dans l’agitation d’une journée, je trouve cela important. Au final, je mène ma vie comme je l’entends. Ici, c’est le paradis.”
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Les interdits de stade en Belgique
La violence reste bien présente dans les stades de football en Belgique. Fumigènes, bagarres ou règlements de compte sont monnaie courante. Qu’est-ce qui pousse les supporters à accomplir de tels actes ? Quelle est l’origine de cette violence ? Qu’est-ce qui est mis en place par les stades pour faire face à ce genre d’incidents ? Et qui sont les interdits de stades ?
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Akro : “On a toujours été vus comme des bouffons”
Dans cette interview, Akro nous plonge au cœur de Timeline, un documentaire en 8 épisodes sorti en octobre, qui retrace l’histoire du rap belge et son évolution. Son objectif est d’éveiller la curiosité des jeunes générations tout en rendant hommage aux pionniers qui ont façonné cette scène musicale. Il nous offre également un éclairage personnel sur l’état actuel de cette scène, marquée par de nouvelles dynamiques et des talents émergents
Est ce que vous avez déjà reçu des retours sur la démarche derrière Timeline ?
Timeline est avant tout un devoir de mémoire, non seulement pour les jeunes mais aussi pour toutes les générations ayant contribué à l’histoire du rap belge. Beaucoup ont perdu leurs archives ou ne sont plus actifs, mais ils ont compté. Le but était de dresser une ligne du temps avec des événements marquants, des sorties d’albums, des personnalités et des groupes. Nous n’avons pas pu inclure tout le monde, ce qui est frustrant, mais nous avons créé une structure solide, une « colonne vertébrale » du rap belge. Aujourd’hui, la nouvelle génération porte ce rap avec une autre identité, mais il est crucial de rappeler ceux qui ont ouvert la voie, comme Benny B, Technotronic ou Puta Madre. C’était quelque chose de fondamental pour moi.
Avez-vous observé des réactions particulières de la part des jeunes générations suite à la diffusion de Timeline ? Par exemple, certains ont exprimé l’idée que la génération 2016-2024 a produit davantage de projets et de réussites que les générations précédentes. Qu’en pensez-vous ?
Effectivement, au début, le rap belge était peu structuré, mais il a fallu attendre des artistes comme Stromae qui ont fait rayonner à nouveau la Belgique à l’international, attirant d’autres talents comme Roméo Elvis ou Damso. Cette génération pense parfois qu’elle a tous les codes grâce à des outils modernes, oubliant les disques d’or et les succès passés. Mais bien sûr, ça ne veut absolument pas dire que je dénigre la génération actuelle.
Pourquoi, selon vous, si peu de documentaires traitant du rap belge, comparé à des pays comme la France, l’Angleterre ou les États-Unis ?
Il y a peut-être un manque d’attrait du marché français pour le marché belge. En effet, le marché français, en termes de signatures, s’est réveillé en 2013 avec Stromae, mais avant ça, on a toujours été snobés, toujours vus comme des bouffons ou des gens qui doivent faire rire. Je pense donc que la démarche, pour les Français, de faire un documentaire sur les Belges n’a pas été entreprise parce qu’ils n’ont pas non plus les clés de compréhension de certains groupes. C’est, je pense, une forme de méconnaissance.
Je me souviens d’un média français qui m’a proposé de reprendre l’idée de Timeline mais de l’adapter en version française sans même l’avoir encore diffusée chez nous. Mais il est hors de question de céder ce projet qui raconte notre histoire. Je suis convaincu que le documentaire aura ses chances en France ou ailleurs ; la musique est universelle, et on voit bien l’impact international d’artistes belges comme Stromae, Technotronic, Damso, Caballero ou JeanJass.
Le genre du rap a-t-il changé de statut dans les médias au fil des ans ?
Absolument. En huit ans, le rap est devenu un genre accepté. C’est-à-dire qu’en 8 ans, des sujets autour de Damso, qui pouvaient faire polémique au JT s’il faisait quelque chose de vulgaire ou lorsque les Diables Rouges refusaient son hymne, aujourd’hui, quand Damso fait une sortie, il a un article dans le journal sur sa musique et sur lui. Donc oui, les barrières sont tombées, il y a une acceptation de différents styles de rap.
Cependant, certains styles de rap, notamment ceux qui abordent des thèmes violents ou controversés, peinent encore à être acceptés, ce qui n’est pas forcément négatif, car tout n’est pas à mettre entre toutes les oreilles non plus. Mais dans l’ensemble, il y a eu une grande évolution. Le rap belge est aujourd’hui mieux perçu, et je pense que cette évolution est essentielle.
Selon vous, quelle est la situation actuelle du rap belge ?
Les nouveaux se cherchent encore, et ce n’est pas évident. Je vois bien qu’ils débarquent dans un univers saturé de sorties. Aujourd’hui, il faut être ultra original, avec le bon son et les bons codes narratifs dans ta communication et tes réseaux sociaux, sinon tu risques de disparaître parmi tant d’autres. Les jeunes artistes doivent d’abord se concentrer sur des stratégies de single et espérer qu’un morceau ‘pète’ pour gagner en visibilité, obtenir de l’airplay ou des concerts.
Mais ce qui reste essentiel, comme cela l’a toujours été, c’est l’originalité. Il y a beaucoup de “copycats”. Maintenant, on entend souvent dire : “Je vais te faire une punchline ou une mélodie à la…” Et au final, qui es-tu derrière ça, en fait ? Donc, il y a des talents en couveuse, mais ils n’ont pas encore le niveau des Shay, Damso, Caballero…
Vous parlez d’originalité. Pensez-vous qu’il n’y a pas ce côté où “trop d’originalité tue l’originalité” ?
Pour moi, ce sont surtout des “gimmicks” : de petites tendances, une touche technique ou musicale particulière que tout le monde adopte pendant six mois avant de passer à autre chose. Ce genre d’évolutions fait vivre le rap et la musique.
Par exemple, Mac Tyer a apporté son côté ‘lime’, et chacun ajoute ainsi une petite nouveauté. Aujourd’hui, on voit cette ‘new wave’, un style très lent, inspiré du rock et des années 80, qui montre que le rap se cherche une nouvelle identité. C’est comme un laboratoire, en test dans des éprouvettes. À un moment, une éprouvette va exploser, deviendra un vrai style, perdurera longtemps, et bouleversera les choses. Mais pour l’instant, je pense qu’on est en ébullition. On est tous un peu en attente de ce truc-là.
Pour vous, cette phase de mutation est-elle un bon signe ?
La musique est toujours en mouvement, dans un flux de vibrations. Pour qu’il y ait des hauts, il doit y avoir des bas. La musique, comme les saisons, a besoin d’un hiver pour pouvoir renaître au printemps. Et on est en plein dans cette phase-là
Enfin, avez-vous une nouvelle pépite belge à suivre ?
Oui, récemment, j’ai découvert Prince Neo. Il fait du R&B, et ses productions sont hyper léchées. Il a du potentiel, et je pense qu’il ira loin.
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