Éducation aux médias questionnée par les médias

03.10.2013
Un jeu de guerre virtuel “éthique”, est-ce possible? C’est ce que tente de prouver le Comité International de la Croix-Rouge en s’alliant avec les producteurs du jeu ARMA. Patrick Verniers, président

Le CICR — Comité International de la Croix-Rouge — s’intéresse aux jeux vidéo de guerre en supposant qu’ils peuvent avoir un impact direct sur la perception de la guerre par les joueurs et ou les futurs soldats. “Les règles qui régissent l'usage de la force dans les conflits armés doivent s’appliquer aux jeux vidéo représentant des scènes réelles de combat au même titre que les lois de la physique”, peut-on lire sur le site du comité.

D’après lui, les joueurs doivent être récompensés s'ils respectent le droit des conflits armés, des sanctions virtuelles devraient leur être infligées en cas de violation grave, c’est-à-dire, en cas de crime de guerre. “Il importe que les scénarios de jeux ne récompensent pas des joueurs ayant commis des actes qui seraient qualifiés de crimes de guerre dans la réalité.”

 

Oui mais non

Patrick Verniers, président du master en Éducation aux médias tempère le pouvoir que l’on attribue généralement à ces jeux vidéo: “Ils restent des jeux avant tout. Il serait illusoire de penser que tout ce qui s’y passe peut avoir une influence au delà de la séquence du jeu. La plupart des études sur la question du transfert des compétences des jeux vers le quotidien ne démontrent rien de tel. Elles observent que lorsque l’on sort le joueur de son contexte ludique, il n’appliquera pas les mêmes comportements dans la vie de tous les jours que ce qu’il aura fait dans le jeu.”

Encore plus réel

“Par contre”, admet le président EAM, “le jeu vidéo de guerre peut être un bon outil de recrutement. Historiquement, le premier ?serious game’ a été créé par l’armée américaine. Baptisé America’s Army, il avait pour objectif en 2002, non pas de former des soldats, mais bien de recruter des jeunes gens, friands de jeux vidéo, à s’engager dans l’armée américaine. Ce fût un succès, tant pour le jeu vidéo que pour le recrutement de nouveaux soldats.”

Un succès que ne dément pas la firme Bohemia Interactive, productrice de la série ARMA, qui a été approchée par le CICR pour “rendre les jeux de guerre virtuels plus éthiques”:
“Ces jeux sont utilisés par de nombreuses armées dans le monde parce qu’elles reconnaissent qu’ARMA est une méthode de formation efficace”, dixit Marck Spanel, PDG de la boîte. Raison de plus, selon François Sénéchaud du CICR, pour en profiter et inculquer de bons réflexes aux joueurs et aux futurs soldats: “Il est très difficile de faire la différence entre ces images virtuelles et d’authentiques photos. Tant qu’à simuler la réalité, pourquoi ne pas coller encore plus à l’authenticité en incluant dans ces combats virtuels les règles et les lois qui régissent les conflits armés?”

Il faut accompagner

“Si l’on souhaite se servir d’un jeu vidéo (?serious’ ou non) à des fins pédagogiques, il est nécessaire d’accompagner les séances de jeux par des séances pédagogiques, le jeu ne se suffisant pas à lui-même”, prévient Patrick Verniers. “Cet accompagnement permettra alors de revenir sur ce qui s’est passé dans le jeu et de faire un éventuel parallèle avec la ?vraie’ vie, en l’occurrence ici la ?vraie guerre’.”

Le lien vers l'émission est ici (le sujet se situe à 10'30').